Le tribunal administratif a prononcé l’annulation de l’arrêté du président du gouvernement qui autorisait le licenciement du directeur du bureau Pacifique de la Caisse des dépôts et consignations soupçonné de ne pas avoir déclaré ses impôts à l’administration fiscale calédonienne.
Du terrain pénal à la contre-attaque administrative. D’après nos informations, l’ancien directeur territorial de la zone Pacifique de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), visé par une enquête pour fraude fiscale et faux et usage de faux, vient de faire plier son ancien employeur devant le tribunal administratif qui a prononcé l’annulation de son licenciement.
Recruté en 2002 et à la tête de la Caisse des dépôts sur le Caillou depuis janvier 2017, il avait été suspendu à titre conservatoire avant d’être licencié au terme d’une longue procédure interne, ce qu’il avait fini par contester devant la justice.
Les griefs de cette institution financière publique et indépendante, qui endosse les costumes à la fois d’investisseur, de prêteur, de banquier et de conseil pour les collectivités et établissements publics calédoniens, portaient notamment sur le fait que le responsable local était englué dans une sulfureuse affaire de fraude à l’impôt sur le revenu de 2018 à 2019. L’enquête, ouverte par le parquet de Nouméa sur dénonciation de son employeur auprès du Haut-commissariat, aurait ainsi permis de démontrer que le directeur, dont les revenus étaient estimés à environ 20 millions de francs par an, avait déclaré aux services fiscaux calédoniens qu’il était résident fiscal au Vanuatu en produisant une attestation de Visa falsifiée. Cet homme d’une soixantaine d’années serait également dans le viseur de la justice pour ne pas avoir déclaré certains revenus locatifs de divers biens en France, aux États-Unis et à Bali.
Un « défaut d’information »
Interrogé à deux reprises dans les locaux de la Section de recherche de la gendarmerie à la caserne Meunier (une fois en garde à vue, la seconde en audition libre) et perquisitionné à son domicile et au bureau de la CDC dans le quartier de l’Artillerie, l’ancien directeur bénéficiait du statut de salarié protégé. Après avoir été convoqué à un entretien préalable le 18 novembre 2023, il avait fait l’objet d’une demande d’autorisation de licenciement le 15 décembre qui avait été rejetée par l’inspecteur du travail le 23 février 2023. Finalement, le président du gouvernement avait accepté le licenciement après un recours de l’employeur.
« Il ressort des pièces du dossier qu’il lui est reproché de ne pas avoir informé sa hiérarchie, située à Paris, de la perquisition qui a été menée le 7 juin 2022 dans les locaux de la direction régionale Nouvelle-Calédonie-Polynésie française implantés à Nouméa, et en particulier dans son bureau. Si un tel défaut d’information n’est pas contesté, il s’agit ici d’un évènement survenu sur le lieu de travail, pendant le temps de travail qui aurait dû être porté à la connaissance de la Caisse des dépôts et consignations eu égard à ses implications potentielles pour celle-ci », relève le tribunal administratif dans son jugement.
Si ce « défaut d’information » est constitutif d’une « méconnaissance » de ses obligations inscrites dans son contrat de travail, il ne saurait être, toujours d’après la juridiction, « regardé comme d’une gravité suffisante pour justifier le licenciement eu égard […] à la circonstance que la perquisition en cause ne concernait nullement l’activité de la Caisse des dépôts et consignations mais avait un motif purement privé » puisqu’il est « suspecté de s’être frauduleusement soustrait ou d’avoir tenté de se soustraire frauduleusement à l›établissement ou au paiement de l’impôt sur le revenu en ne procédant à aucune déclaration au cours des années précédentes et d’avoir ainsi commis une fraude fiscale ».
Vers une réintégration à la CDC ?
Les magistrats en ont donc tiré une conclusion : l’arrêté pris par le gouvernement autorisant son licenciement doit être annulé. Conséquence, l’ancien responsable local pourrait demander sa réintégration auprès de la Caisse des dépôts et réclamer des indemnités. Un éventuel appel de la décision du tribunal administratif n’est, en effet, pas suspensif.
Contacté, l’avocate du requérant Me Louise Chauchat a exprimé sa « satisfaction » sans commenter davantage le dossier.
Sur le volet pénal, l’ancien directeur pourrait répondre devant la justice des faits de fraude fiscale et faux et usage de faux dans le courant de l’année 2024.
Jean-Alexis Gallien-Lamarche