Vers une disparition du Betico 2 ?

Si le Betico 2 assure aujourd’hui la desserte maritime des passagers entre Nouméa, les îles Loyauté et l’île des Pins, et ce depuis plus de 15 ans, cela pourrait être amené à changer, à en croire les plans de la province des Îles dévoilés mardi dernier par Jacques Lalié.

« J’ai engagé la démarche auprès des partenaires du privé pour pouvoir prendre en charge le transport ». Cette phrase de Jacques Lalié, président de la province des Îles, prononcée mardi 9 janvier dans le journal de midi sur la chaîne publique, a eu l’effet d’une bombe au sein de la Sudiles qui exploite le Betico 2 depuis 15 ans. Cette société publique est détenue à 100 % par la SODIL, (Société de Développement des Îles Loyauté), le bras économique de la province des Îles, dont les difficultés financières sont largement connues.

Passer du public au privé

L’émanation provinciale n’en fait plus mystère : elle envisage dans un délai de quelques années de confier la desserte maritime, aujourd’hui assurée par la Sudiles, à une société privée. Tout porte à croire qu’il s’agit de la Société d’exploitation financière Sodexfi, qui prendra le contrôle exclusif de Transiles, Marifret, et de la Compagnie maritime des îles (CMI). L’Autorité de la concurrence vient de donner son feu vert à cette opération, contrôlée exclusivement par le groupe Ettwiller, principalement actif dans le secteur immobilier et dans le secteur de la restauration. La holding prévoit la mise en service d’un nouveau navire, le Havannah 2, dont la construction est sur le point de débuter. D’ici deux ans, ce ferry pourrait prendre le relai du Betico 2 et assurer une liaison entre la Grande Terre et les îles Loyauté avec une capacité de fret de marchandises ainsi que de transport passagers. Jacques Lalié a par ailleurs annoncé sur les ondes publiques avoir « commandé un autre monocoque pour faire l’île des Pins, transport de passagers, et de temps en temps faire les îles en cas de besoin immédiat. Toujours avec du privé. » La desserte maritime des îles passerait ainsi donc entre les mains d’un partenariat public privé. Jacques Lalié entamera dès la semaine prochaine une tournée dans les Loyauté pour annoncer ce changement aux passagers.

Quel avenir pour la Sudiles ?

Au-delà de la création de ce consortium, il semblerait que les jours de la Sudiles soient comptés. Les salariés redoutent « la naissance de l’un pour la mise à mort de l’autre », alors que selon eux, « la cohabitation serait possible », comme cela a été le cas par le passé avec la desserte simultanée du Betico 1 et du Havannah 1. Autre signe qui plaide selon eux en faveur de la mort annoncée de leur compagnie : « aucun budget d’investissement n’est prévu pour le carénage du Betico 2 censé intervenir prochainement ». Pour eux, aucun doute, la Sudiles va fermer.

Face à cette volonté désormais clairement affichée par la PIL, dont elle n’avait pas eu connaissance jusque-là et pour laquelle elle assure n’avoir jamais été consultée, une partie du personnel de Sudiles a débrayé, jeudi après-midi, à Nouméa, devant la gare maritime du Betico 2, sans pour autant bloquer les rotations afin de ne pas « impacter les passagers ». La société Sudiles emploie aujourd’hui 57 salariés qui craignent de se voir « débarqués » prochainement. Au-delà de cette inquiétude pour leur avenir, les salariés sont soucieux de voir leur mission de service public remplacée parun  service privé, « sans plus aucun contrôle sur les tarifs ». Chaque année, le Betico 2 transporte quelque 90 000 passagers et effectue plus de 200 voyages. Techniquement, il va être difficile de s’y substituer, estime le personnel de la Sudiles. Selon lui, la capacité du Havannah 2 sera « moindre » : 250 passagers transportés tous les deux voire trois jours, contre 700 par jour pour le Betico 2. Pas de quoi répondre aux besoins de la population îlienne, en particulier pendant les périodes de forte affluence comme les mariages, les vacances… « La SODIL nous abandonne au profit d’une société privée parce qu’on serait trop déficitaire et qu’on coûterait trop cher. Mais quid du service public ? », martèle une employée.

Autre inquiétude exprimée par les employés : que la SODIL, société publique, prenne une participation minoritaire dans la holding privée, à hauteur de 27 %, comme cela est prévu. « Cela sous-entend de vivre de subventions et en quoi cela soulagera-t-il notre déficit ? » s’interroge une salariée qui estime cette situation « d’autant plus incompréhensible qu’on pénalise une activité en pleine exploitation ».

Le coup est dur pour les employés de la Sudiles, d’autant qu’un projet de nouveau bateau, le Betico 3, était dans les tuyaux depuis 2018, afin de remplacer le Betico 2 en fin de vie. Quasiment abouti, le projet aurait facilement pu être relancé si toutefois une volonté politique l’avait soutenu. Mais la décision de l’Autorité de la concurrence n’en fait guère mystère : le projet est définitivement mort et enterré. « Compte tenu de la situation financière de la société Sudiles, cette dernière n’aurait pas les moyens financiers de le remplacer et d’exploiter tout éventuel nouveau bateau dans des conditions de rentabilité satisfaisantes », est-il écrit. Seule lueur d’espoir pour les salariés de la Sudiles et leurs familles : que le conseil d’administration de la SODIL et l’assemblée provinciale retoquent le projet tel que prévu. On n’en est assurément qu’au début du feuilleton qui promet d’être houleux.

Béryl Ziegler

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