A 18 ans à peine, il a entamé une carrière express de délinquant. Sorti de prison en octobre, il a foncé, à deux reprises, sur des gendarmes qui tentaient de l’intercepter à bord de véhicules volés. Il a écopé de quatre ans de prison ferme.
Son sourire n’a pas quitté son visage sous les yeux de ses victimes. C’est peu dire que ce jeune de 18 ans à peine, originaire de Canala, n’a pas fait bonne impression au tribunal correctionnel de Nouméa, vendredi, ne cherchant même pas à se défendre. Ses excuses, sincères ou pas, lui ont été arrachées sur l’insistance de la présidente Sylvie Morin. Pas moins de douze infractions – pratiquement toutes en récidive –entre novembre et décembre étaient reprochées à ce garçon qui a quitté la scolarité au collège et qui n’a jamais rien fait depuis lors. Son passe-temps se résume malheureusement donc à voler des voitures dans le Grand-Nouméa et à remonter avec sur la Côte-Est pour s’amuser à faire des dérapages devant la bande de copains.
Sorti de prison en octobre, il n’a pas attendu longtemps pour refaire parler de lui. Les gendarmes étaient à ses trousses mais cela ne l’empêchait pas de dépouiller de nouvelles victimes. D’importants moyens ont été mis en œuvre pour le retrouver et notamment une géolocalisation en direct, permettant aux forces de l’ordre de monter des dispositifs d’interception. Deux d’entre eux ont failli virer au drame parce que le prévenu avait fait le choix de leur foncer dessus plutôt que d’être arrêté. « C’est presque Mario Kart, ironise la présidente Sylvie Morin, sauf que là, c’est la vraie vie. » C’est finalement son grand-frère qui parviendra à lui mettre la main dessus et à le livrer aux autorités judiciaires. Devant le juge des libertés et de la détention, il dira qu’il préfère être incarcéré au Camp-Est pour éviter de recommencer les vols. La présidente l’interroge. Ce n’est quand même pas banal comme requête. « C’est le seul moyen pour m’en empêcher, je ne peux pas me contrôler », explique-t-il à l’audience.
« Il ne s’arrête jamais de voler, il a le vice »
Et la souffrance des victimes ne l’a visiblement pas ému plus que ça. « J’ai grandi à Canala, j’ai de la famille là-bas. Ce n’est pas en volant que tu vas réussir dans la vie. Quand tu m’as volé ma voiture, je devais emmener mes deux petits-enfants autistes pour un examen. A la place, j’ai passé ma journée à la gendarmerie. Tu dois comprendre notre douleur », livre ce carrossier de profession. Un autre, électricien, confie qu’il va être obligé « de refaire un crédit pour ma voiture. J’ai perdu tout mon matériel, je ne peux plus travailler ».
C’est finalement le directeur d’enquête qui le connaît le mieux. « On le suit depuis 2020. A Canala, il y a des bandes avec certains jeunes qui entraînent les autres à voler. Lui, il fait partie de ces leaders qui fédèrent les jeunes. Quand on les arrête, on sait qu’on retrouve la paix à Canala. Il ne s’arrête jamais de voler, il a le vice », décrit le gendarme, assurant que « les coutumiers ont aidé » les forces de l’ordre « à l’arrêter » car « sa mère et son père ne peuvent plus rien faire ». Un constat que partage la procureure de la République Isabelle Fuhrer qui parle d’un jeune sur lequel « on n’a aucune prise ». « Il joue aux courses-poursuites comme dans les jeux-vidéos et c’est insupportable de voir qu’il met en danger la vie des usagers de la route et des gendarmes ». Elle requiert quatre ans de prison ferme pour « mettre un coup d’arrêt maintenant » à une « carrière de délinquant prometteuse. Il propage cette mauvaise réputation de Canala, ce n’est pas admissible ».
Un « électron libre »
L’avocate de la partie civile Me Nathalie Lepape se dit « choquée » par l’attitude du prévenu. « Je représente onze gendarmes victimes de vos agissements, c’est un joli palmarès. On ne comprend toujours pas pourquoi vous foncez sur les gendarmes. Leur vie est-elle si dérisoire que vous ne vous arrêtiez pas ? Leur engagement, c’est de protéger la population ». De l’autre côté de la barre, la défense avance que si son client « est prêt à prendre tous les risques, à percuter un gendarme, c’est que sa propre vie ne lui importe peu ». « C’est un électron libre sans aucun cadre et les tentations sont trop fortes. Il n’y arrive pas. Mais il faut garder espoir », plaide Me Barbara Brunard.
La juridiction veut envoyer un message fort et condamne le jeune homme à quatre ans de prison ferme. Il a rejoint le Camp-Est aussitôt après.
Jean-Alexis Gallien-Lamarche