Cet infirmier anesthésiste a reconnu être à l’origine de la disparition de plusieurs dizaines d’ampoules de cet opioïde utilisé en anesthésie à la clinique Kuindo-Magnin. De la Ketamine a aussi été retrouvée chez lui.
Il est 1000 fois plus puissant que la morphine chez l’homme. D’après nos informations, un infirmier anesthésiste d’une quarantaine d’années, exerçant à la clinique Kuindo-Magnin, à Nouville (Nouméa) est accusé d’avoir subtilisé sur son lieu de travail des dizaines d’ampoules de « Sufentanil », entre septembre 2022 et le mois dernier, date de son interpellation. Cet opioïde de synthèse, utilisé quotidiennement par les anesthésistes et dans les services de réanimation (à des fins d’antalgique), est un cousin du fentanyl, un puissant antidouleur (cinquante fois plus létal que l’héroïne) qui fait des ravages dans le monde. Aux Etats-Unis, une personne meurt de ses effets toutes les sept minutes. Alors, quand des ampoules de Sufentanil viennent à disparaitre ces derniers mois dans les stocks du service pharmacie de la clinique de Nouville, les responsables sont inquiets.
La piste d’un patient indélicat écartée
Mis en alerte, ils redoublent de vigilance, reprennent méthodiquement les carnets de suivi des médicaments et en viennent à une conclusion : les vols sont commis en interne, la piste d’un patient indélicat étant exclue. Car les réserves sont sécurisées et seuls les employés de l’établissement hospitalier y ont accès. Une plainte est déposée et l’affaire est prise au sérieux par l’Unité de lutte contre les stupéfiants de la Direction territoriale de la police nationale (DTPN). Surtout qu’une explosion anormale de la consommation de Sufentanil est constatée, passant de douze ampoules par mois à cinquante-huit. En recoupant les informations transmises par les responsables de la clinique, les jours de présence du personnel et les dates des faits, les enquêteurs ciblent un infirmier anesthésiste en particulier. Un homme d’une quarantaine d’années dont l’identité apparaissait de manière régulière – et suspecte, donc – sur les registres de traçabilité. Les soupçons des enquêteurs des « stups » de la police sont ensuite confirmés par le témoignage d’un chef du bloc opératoire qui, ouvrant l’œil pour observer le petit manège, a découvert que l’infirmier s’était administré du Sufentanil dans les locaux du centre de santé alors même qu’il était en vacation.
Au CHN de Koné, aussi
La décision est prise par les policiers d’arrêter le soignant. C’est l’unité d’élite du Raid qui se charge de l’opération d’interpellation à son domicile qui est perquisitionné dans la foulée. La police judiciaire retrouve chez lui des ampoules de Sufentanil mais aussi de Kétamine ainsi que de l’herbe de cannabis. En garde à vue au commissariat central, le quadragénaire aurait affirmé qu’il détournait les ampoules pour sa consommation personnelle et qu’il n’était pas question de revendre cet opioïde sur le marché noir à ceux qui recherchent des sensations de bien-être ou d’euphorie comme avec l’héroïne. Interrogé sur la consommation de cette substance classée comme stupéfiants, l’homme a reconnu une addiction depuis l’année dernière au Sufentanil qu’il s’injectait directement sur son lieu de travail, que ce soit à la clinique ou au CHN de Koné où il officiait auparavant.
Une fois ses auditions en garde à vue terminées, l’infirmier anesthésiste a pu repartir libre du commissariat. Le parquet de Nouméa a décidé de le convoquer en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) prochainement. Outre une peine de prison, il risque l’interdiction définitive d’exercer en milieu hospitalier.
Jean-Alexis Gallien-Lamarche