Dans le quotidien Le Monde, et interrogé par notre consœur Nathalie Guibert, le ministre de l’Intérieur et des Outremers, Gérald Darmanin donne son ressenti sur cette semaine parisienne. Il lève aussi quelque peu le voile sur les propositions de l’État.
Gérald Darmanin souligne tout d’abord « la bonne volonté de tous les acteurs » qu’il remercie, rappelant que ces réunions ensemble ne s’étaient plus produites depuis 2019. « Une confiance s’est créée », dit-il, en annonçant que l’État essaye d’abord de régler les problèmes de la Nouvelle-Calédonie. « Nous avons répété que nous allions accompagner la Nouvelle-Calédonie sur le nickel, en grande difficulté, déclare Gérald Darmanin. L’État va aider la Nouvelle-Calédonie à terminer ses exercices budgétaires. » Les aides tant attendues de l’État devraient donc venir, il faudra en déterminer les conditions d’attribution et les destinations.
Un document sur la table
L’État a donc proposé son projet d’avenir pour la Nouvelle-Calédonie, charge aux indépendantistes et aux non-indépendantistes d’y apporter des ajustements. Si la plus grande discrétion quant à ce document a été réclamée aux délégations calédoniennes, dans cet interview au journal Le Monde, Gérald Darmanin en dit quand même un peu plus. D’abord, il souligne que si l’État a posé un projet sur la table, parce que « personne ne le proposait » ! Ce projet détaille six thématiques. « Il prévoit d’abord une modernisation des institutions de la Nouvelle-Calédonie, souligne le ministre de l’Intérieur et des Outremers. Nous proposons des changements dans la répartition des compétences entre les trois provinces et le gouvernement, car il existe des difficultés : trois codes de l’environnement différents, par exemple ! Nous proposons que le président du gouvernement soit élu directement par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie et que le nombre d’élus des provinces au Congrès réponde aux évolutions démographiques. Ensuite, le projet réaffirme que la Nouvelle-Calédonie, restée française, garde un titre spécifique dans la Constitution, et que l’on ne touchera pas à l’accord de Nouméa de 1998, qui prévoit une citoyenneté néo-calédonienne dans la citoyenneté française, ainsi que ses autres acquis. Le projet propose un accord pour les élections provinciales de 2024 en dégelant le corps électoral dans certaines conditions plus conformes aux règles démocratiques générales. »
Le droit à l’autodétermination
Le droit à l’autodétermination a été, semble-t-il, un des points cruciaux des nombreuses discussions qui se sont tenues à Paris la semaine dernière. « Le document, précise donc Gérald Darmanin, contient la réaffirmation du droit à l’autodétermination, et ne propose plus de date ou de durée pour l’atteindre. C’est une révolution : plus d’épée de Damoclès. Nous voulons définir un processus, en proposant trois conditions à discuter : un éventuel futur projet sera proposé par les Néo-Calédoniens eux-mêmes au lieu d’une question binaire – oui ou non à l’indépendance ; les deux tiers du Congrès demanderaient ce projet et le voteraient avant de le proposer aux Néo-Calédoniens ; un droit de pétition pourrait être créé, accessible à partir de 50 % du corps électoral. C’est une base de départ, ouverte à la discussion. »
Un calendrier
En plus d’un projet, l’État a également établi une méthode et un calendrier. Non-indépendantistes et indépendantistes devront apporter leurs contributions au projet de l’État, notamment sur les points d’accord, et Gérald Darmanin viendra en octobre pour aborder les points de désaccord. L’espoir étant la définition d’un accord global à la fin de cette année. Suivra ensuite, sur la base de cet accord, une réforme constitutionnelle, qui sera suivie de la consultation des Calédoniens par un référendum de ratification du projet et des élections provinciales, d’ici à la fin de 2024. Un temps est donc donné pour la concertation et la discussion, les indépendantistes sollicitant de donner leur avis après la tenue de leurs congrès respectifs puis celui du FLNKS. « Je reviendrai à Nouméa fin octobre, conclut Gérald Darmanin, avec Philippe Vigier, le ministre délégué chargé des outremer, pour tenter de finaliser l’accord et ils auront leur congrès en novembre. Mais s’il n’y a pas d’accord, nous allons modifier le corps électoral pour tenir les élections provinciales : c’est une exigence démocratique. Des indépendantistes et des non-indépendantistes se sont réunis par deux fois dans une même salle avec moi cette semaine, je compte sur la grande responsabilité des différentes parties face à l’histoire. Les uns demandent l’autodétermination, les autres ont fait le choix de rester dans la France, il faut respecter les convictions, mais nous avons vu que les referendums passés n’ont pas réglé le problème. C’est aux Néo-Calédoniens de proposer un projet en respectant le choix fait, par trois fois, de rester français. »