Membre du 17e gouvernement, en charge, notamment, de la modernisation de l’action publique, de la transition numérique et du développement de l’innovation technologique, l’élu de l’Éveil Océanien a exprimé, vendredi à Nouville, à l’occasion de la présentation la nouvelle stratégie territoriale de l’innovation, sa confiance en l’avenir, tout en soulignant l’importance du présent.
L’innovation, ça coute cher. Un milliard de francs a été dépensé par la Calédonie l’an passé. Est-ce suffisant ?
Vaimu’a Muliava : C’est suffisant, mais je pense qu’il faut plus coordonner, prioriser les secteurs à fort retour sur investissement, et puis bâtir comme ça le court, le moyen et le long terme.
Sur le développement numérique, la Calédonie est-elle en retard ?
V.M. : Je pense qu’elle était en retard, mais le fait qu’on soit deux sur le sujet – je sais que ça déstabilise un peu l’écosystème qu’il y ait Christopher Gygès et moi – on voit bien qu’on est complémentaires: parfois, on porte ensemble les sujets, et ça a permis d’accélérer. L’écosystème était déjà prêt, il avait simplement besoin d’un accompagnement pour que les politiques créent les conditions juridiques. Il y a beaucoup de choses qui sont sorties : le statut des jeunes entrepreneurs innovants, l’investissement participatif, là on est en train de voir les statuts des doctorants. Et puis, il y aussi ce pont-là qu’on appelle l’économie sociale et solidaire, et l’environnement, que moi j’appelle plutôt le mariage ou la conjugaison de la tradition et de la modernité, comment les technologies d’aujourd’hui peuvent sublimer des pratiques ancestrales pour créer de la valeur, mais aussi des entreprises qui respectent leur environnement. Je veux dire : on ne va pas gratter des montagnes ad vitam aeternam, ce n’est pas une ressource non renouvelable le nickel, donc il faut commencer à investiguer tous ces secteurs-là.
En Calédonie, de manière géographique notamment, il y a une fracture numérique. De plus, comme partout, certains ont peur d’être les perdants de la transition numérique. Comment les rassurer ?
V.M. : Il y a la phase de la peur, après on passe à autre chose, on passe au courage et à l’audace. Là, il faut passer à l’audace, il faut anticiper. Il y aura certainement des métiers qui disparaîtront et d’autres métiers qui vont apparaitre. Mais comment se préparer à ces autres métiers si, très tôt, nous ne sommes pas versés dans la technologie et dans l’intelligence artificielle, donc il faut qu’on lève une armée aujourd’hui, parce que quand ça va nous submerger il faudra être prêt.
Une armée de soldats numériques ?
V.M. : Oui. Alors, c’est une armée, mais vous voyez ce que je veux dire. Je suis un guerrier de l’amour (rire).
Vous avez dit, vendredi, que la Calédonie est au pied du mur et qu’elle va se reconstruire. Dans le contexte anxiogène, vous êtes optimiste ?
V.M. : Mais oui, il faut être optimiste ! En fait, c’est là où tu te révèles : soit tu vas prendre une corde et tu te pends, soit tu prends l’arbre, tu commences à construire une pirogue et tu démarres. C’est ça qu’il faut faire ! Ça fait 50 000 ou 70 000 ans pour les Papous et les Australiens, et presque 4 000 pour nous (les Wallisiens et les Futuniens), qu’on vit avec la montée des eaux, la sécheresse, les cyclones, les tremblements de terre, les volcans : si on n’était pas des gens avec l’espoir rivé au cœur, on serait déjà morts.
En Calédonie, entre le fait de se pendre et celui de se battre, il y a une troisième option, souvent utilisée d’un point de vue économique, c’est celle qui consiste à demander de l’aide à l’État. L’inquiétude, en ce moment, avec la situation critique des trois usines, c’est de se dire que, peut-être que cette fois-ci l’État ne nous sauvera pas…
V.M. : Ah, mais là tout le monde est face à ses responsabilités. Nous, on va assumer les nôtres, l’État assumera les siennes. Je ne suis pas quelqu’un qui est à genoux, les cataclysmes on les vit. Il y a une différence entre la résilience et l’aliénation : moi, je ne suis pas aliéné, je suis résilient. Je rebondirai toujours et je pense que nos enfants aussi. Les industriels, aussi, sont face à leurs responsabilités, ils sont là à creuser la terre, à tuer nos montagnes, etc. Eux aussi ils sont face à leur destin, parce qu’il faut qu’ils mettent la main à la pâte. Il faut être modeste, il faut être humble, il faut être combatif, tout dans la modestie, mais surtout prendre ses responsabilités.
Vous pensez qu’on va éviter le chaos ?
V.M. : Je pense que oui (il le répète deux fois, puis conclut). Moi, je pense que oui.
Propos recueillis par Anthony Fillet