Île Ouen : l’agresseur du pilote des navettes maritimes écope d’un sursis

L’habitant de l’île Ouen qui avait embarqué sur le Casy Express le 4 janvier dernier avant de frapper le capitaine du bateau a été jugé par le tribunal correctionnel et condamné à un sursis probatoire. « Il y a un fond racial évident dans ce dossier », a estimé le parquet.

Son geste a eu une des conséquences en cascade. D’abord parce qu’en frappant un homme, il risquait une lourde sanction judiciaire mais parce qu’au-delà de son cas, c’est toute la population de l’île Ouen qu’il a pénalisée en se comportant ainsi. A la barre du tribunal correctionnel de Nouméa, vendredi, un homme de 43 ans, père de deux enfants, a été invité à s’exprimer sur les circonstances et les raisons de ce déchainement de violence dont il a fait preuve à l’égard du capitaine du bateau Casy Express qui reliait l’île Ouen à la baie de la Somme (Prony) le matin du mercredi 3 janvier, vers 9h45.

Il faut dire que le quadragénaire n’était pas tout à fait dans son état normal. Avant d’embarquer pour se rendre à des funérailles sur la Grande-Terre, il avait sifflé une demi-bouteille de whisky. Tout seul. Mais son attitude au moment de s’asseoir dans l’embarcation, en compagnie de huit autres passagers dont trois enfants, n’avait pas interpellé le pilote. « Il ne titubait pas. J’assure un service public et donc, je n’avais aucune raison de ne pas le faire monter. C’est seulement pendant le trajet que j’ai compris », a-t-il témoigné devant la juridiction.

Car en mer, la victime essuie une flopée d’injures, certaines à caractères raciales. « Sale blanc », « on est chez nous, t’es pas chez toi ici », lui balance le prévenu. C’est pendant la phase d’amarrage que tout dérape véritablement. Car lorsque le capitaine lui fait remarquer qu’il ne l’acceptera plus ivre sur son bateau, le prévenu dégoupille. Il s’avance et se met à lui frapper le visage à coups de poing jusqu’à tenter de le jeter par-dessus bord. Le transporteur, qui mesure pratiquement deux mètres, résiste à la charge et réplique par quelques coups pour se dégager de son agresseur. Résultat, un œdème à la main, des hématomes frontaux et des plaies au visage qui lui vaudront deux jours d’ITT (incapacité totale de travail).

La mairie du Mont-Dore, ne pouvant pas rester les bras croisés face à cet évènement grave, avait alors pris la décision d’interrompre les liaisons dès le lendemain et ce, jusqu’à nouvel ordre

« Une ambiance générale lourde »

Pas très bavard, le prévenu a mis cette agressivité sur le dos de l’alcool avant que la présidente Hélène Gaillet lui rappelle que « ce n’est pas une excuse mais bien une circonstance aggravante ». « J’ai été agacé par sa remarque et je n’ai pas aimé sa manœuvre. Il n’était pas concentré », se défend-il juste après.

Interrogé sur les circonstances de cette agression, le gérant de la société Casy Express, qui assure donc les liaisons entre l’île Ouen et la Grande-Terre mais également les transports vers l’îlot Casy, a évoqué « une ambiance générale lourde depuis quelques années. Ça fait 20 ans que je fais la navette, il y a toujours eu du respect et à 99%, tout se passe bien mais il y a un facteur risque ». Après en avoir discuté avec la mairie du Mont-Dore, il a été décidé de la reprise des navettes maritimes, au grand soulagement des familles de Ouara, à partir du lundi 22 janvier. Sans changement : le transport se fera trois fois par semaine, les lundis, mercredis et vendredis. Mais cette fois, ce sera « mon salarié qui assurera le service », explique la partie civile très émue devant les magistrats.

« Une forme de dégoût »

Car ces violences gratuites ont eu « un effet de déflagration dans sa vie », résume son avocat, Me Laurent Amice. A tel point, que le capitaine se « pose des questions sur son activité et même sur sa présence en Nouvelle-Calédonie. Il y a une forme de dégoût, quelque part, après avoir fourni tant d’efforts depuis des années ». Le conseil note que le préjudice est multiple du fait de l’annulation des navettes touristiques (pour l’îlot Casy pour un montant de 62 000 francs), de l’interruption des liaisons vers l’île Ouen (environ 300 000 francs) ou encore des frais de santé engagés (100 000 francs).

Désormais, le service « doit reprendre de manière sereine pour le bien de la société et de la population toute entière », affirme la procureure de la République Hélène Gaudet qui requiert une peine de 10 mois de prison avec sursis probatoire à l’encontre du prévenu et une interdiction de contact avec la victime. La représentante du ministère public assure que l’alcool a certainement joué dans le passage à l’acte mais, estime-t-elle, « il y a un fond racial évident dans ce dossier. Cela a commencé par des outrages raciaux ».

« Du calme et de l’apaisement »

Le père de famille avait déjà eu à s’exprimer sur ce point, assurant qu’il n’était « pas raciste ». « Il est sincèrement désolé pour le pilote et pour les gens de l’île Ouen », relate son avocat Me Guilhem Guépy, ajoutant que son client n’a « aucune velléité, aucune rancœur ou envie de vengeance » contre le gérant. Condamné à une seule reprise il y a vingt ans pour des dégradations, le prévenu est « inséré dans la vie de la tribu », participe « aux travaux coutumiers » et n’est pas connu pour être quelqu’un « de violent ».

Quelques minutes plus tard, le tribunal a rendu sa décision, condamnant le quadragénaire à la peine de huit mois de prison avec sursis probatoire (d’une durée de deux ans) avec pour obligation de suivre des soins (pour l’alcool) et d’indemniser la victime. Une expertise médicale a été ordonnée et l’indemnisation renvoyée à une audience sur intérêts civils.

Avant que l’audience ne soit levée, la présidente a délivré un dernier message : « on ne vous a pas envoyé en prison mais vous avez intérêt à faire profil bas. Il faut du calme et de l’apaisement et plus d’énervement ».

Jean-Alexis Gallien-Lamarche

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