Si l’on en croit Manuel Valls, la Nouvelle-Calédonie va vivre une semaine décisive pour son avenir. Une période importante donc pour laquelle il appelle chacun à faire preuve de responsabilité. A l’aune de ces rencontres politiques, le ministre d’État s’exprime beaucoup, sans doute pour convaincre.
Manuel Valls avait déjà beaucoup parlé avant son départ, ainsi au journal Le Monde, puis devant la Commission des lois de l’Assemblée nationale, et certains de ses propos avaient allumé un début de polémique. Il lui fallait donc, d’une certaine manière, éclairer son propos d’où ses interventions sur les antennes de Nouvelle-Calédonie La 1ère, dimanche soir, et de Radio Rythme Bleu, lundi matin. Ces prises de parole ont de nombreux objectifs, d’abord expliquer que c’est bien lui qui est à la manœuvre, « ceux qui pensent qu’on pourrait faire appel derrière au chef de l’État, par rapport à ce que je suis en train de faire, non, c’est moi qui suis en charge de ce dossier », a-t-il ainsi expliqué au journal télévisé. Il faut dire que l’on n’est pas certain que tout le monde parle d’une même voix au sein du gouvernement Bayrou, et que l’Élysée compte aussi faire entendre sa position.
Un accord ou le chaos
« Ça n’est pas possible qu’il n’y ait pas d’accord », a martelé Manuel Valls sur RRB. Or, rien ne semble attester qu’un accord soit encore possible, tant les divergences sont profondes, sauf à vouloir renier ses convictions et surseoir au principe de réalité. Des principes ? Manuel Valls les liste et affirme vouloir s’y conformer. « Le lien avec la France, il est incontournable, on ne peut pas le rompre, a-t-il déclaré au micro de la radio. Le partenaire historique, naturel et logique de la Nouvelle-Calédonie, c’est évidemment la France. Il ne peut pas y avoir d’autres partenaires, ça ne peut pas être la Chine, la Russie ou l’Azerbaïdjan ».
Et parmi ces autres principes, Manuel Valls cite : la démocratie et l’Etat de droit, « une Nouvelle-Calédonie unie et indivisible, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas plus de compétences pour les provinces par exemple », la citoyenneté et l’existence d’un peuple calédonien. Des principes et un socle, « dont il ne faut pas dévier », sur lequel le futur accord devra se poser. Et le ministre de citer Nainville-Les Roches (même si ce ne fut qu’une négociation qui s’acheva sur un échec, NDLR), les Accords de Matignon et de Nouméa. Des principes et un socle pour trouver un accord, peut-être même cette semaine comme le souhaite Manuel Valls. Et s’il n’y a pas d’accord ? « S’il n’y a pas d’accord politique, s’il n’y a pas une perspective claire, il n’y aura pas d’investissements économiques, a-t-il déclaré sur NC La 1ère. Et puis les braises de la violence sont toujours là. Il pourrait y avoir, à ce moment-là, de nouveau des affrontements, une forme de guerre civile. » Il faut donc trouver un accord entre des positions antagonistes et plus irréconciliables qu’avant, car comme le souligne lui-même le pensionnaire, « il y a eu le 13 mai ». Dans ces conditions, la marge de manœuvre de l’État est étroite pour concilier la vision des indépendantistes pour lesquels la décolonisation doit conduire rapidement à l’indépendance, et celle des non-indépendantistes pour lesquels les résultats des trois référendums constituent la base infrangible des discussions.
A ce moment-là de la discussion, il y a d’évidence plus de problèmes que de solutions. D’abord parce que l’État, au travers des propos de Manuel Valls, ne sort pas de ses ambiguïtés, même si, affirme le ministre, « l’État ne sera pas spectateur », mais plutôt « pro-actif ». Et pour quelle solution ? Car les Accords de Matignon et de Nouméa, en termes d’innovations juridiques et constitutionnelles, sont sans doute allés au plus loin que l’on pouvait cheminer, et alors même que l’État serine que le statu quo n’est pas possible. Dans ces conditions, où se situerait le nouveau pari sur l’intelligence ? C’est autour de la redéfinition des liens avec la France que tout va se jouer, et rien ne dit maintenant que l’on puisse y parvenir en dépit des objurgations du ministre.
« Peuple premier »
C’est au cœur aujourd’hui de la polémique et du contre-sens. Manuel Valls, alpagué sur ce point par les responsables loyalistes, réaffirme que la notion de « peuple premier » est historique, ce que personne ne lui conteste, il y a des évidences contre lesquelles on ne lutte pas. En revanche, l’usage politique de la notion, comme le font les indépendantistes, est plus contestable en ce que la notion de « peuple premier » ne peut et ne doit accorder des droits qui n’ont pas lieu d’être à ceux qui s’en réclament. Être premier ou non n’accorde pas de droits supérieurs à ceux des autres arrivés après. C’est d’ailleurs ce qu’assure l’égalité prônée par l’usage du terme dans la devise de la République. Premiers ou pas, « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune » (Article 1 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen).
Nicolas Vignoles