Mis en examen et incarcéré en Métropole depuis juin, l’agriculteur est soupçonné d’être l’un des référents de la CCAT à l’île des Pins et à la Conception. Ses avocats ont réclamé sa libération, ce qu’a refusé la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Nouméa.
C’est une deuxième tentative qui s’est soldée par un échec. D’après nos informations, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Nouméa a rejeté la nouvelle demande de mise en liberté formée par Guillaume Vama, l’un des militants indépendantistes considéré par la justice comme un membre influent de la CCAT. Il est donc maintenu en détention provisoire à la prison de Bourges (Cher) où il est incarcéré depuis le 22 juin dernier. Par cette décision, les magistrats de la chambre de l’instruction ont infirmé l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention (JLD) le 9 décembre dernier, qui avait libéré sous contrôle judiciaire le natif de l’île des Pins. Une décision « parfaitement motivée », a loué son avocate Me Louise Chauchat, contre laquelle le parquet a immédiatement interjeté appel et formé un référé-détention pour suspendre immédiatement la libération. Saisi de cette procédure d’urgence, le premier président de la cour d’appel a infirmé la décision du juge des libertés et de la détention et renvoyé l’examen du dossier à la chambre de l’instruction. À l’audience, le président Philippe Allard a fourni quelques éléments de contexte, revenant sur « la succession d’actions violentes » à partir du 13 mai qui a conduit à « la destruction partielle de l’outil économique » de la Nouvelle-Calédonie. Ces émeutes sont « imputées à des militants indépendantistes se réclamant de la Cellule de coordination des actions de terrain, une structure informelle et sans personnalité morale ». Pour autant, à entendre le rapport du président, les investigations ont « mis en évidence » l’organisation de la CCAT « qui utilise le local de l’Union calédonienne (UC) pour ses réunions », qui est dotée de divers cellules (communication, logistique, finance, juridique) et qui repose, enfin, « sur des référents locaux au sein des communes et des quartiers qui relaient les directives sur le terrain ».
« Il fait partie de ceux qui ont mis le feu »
Ce sont justement les soupçons qui pèsent aujourd’hui sur les épaules de Guillaume Vama, âgé de 30 ans et père d’une petite fille. « Il est un membre éminent de la CCAT, c’est acquis au débat. Il est même l’un des référents et l’incarnation territoriale sur l’île des Pins avec l’association CLPK [Collectif de lutte pour le peuple kanak, NDLR] », assure le procureur général Bruno Dalles, rappelant que, « dès le 8 avril », la brigade de Kunié a été prise d’assaut par plusieurs militants indépendantistes. « Nous n’avons peut-être pas mesuré l’importance de cette action », seulement un mois avant le déclenchement de l’insurrection kanak, a reconnu le représentant du ministère public, dans une forme de mea-culpa. Ce dernier a évoqué « le charisme » de Guillaume Vama qui aurait ainsi permis de motiver des jeunes de l’île des Pins à se rendre dans l’agglomération. « On les a retrouvés sur le barrage de la Conception ».
À l’appui de ses réquisitions de maintien en détention provisoire, Bruno Dalles a brandi un SMS reçu par Guillaume Vama de la part de Brenda Wanabo (la chargée de communication
de la CCAT), dans la soirée du 4 juin dernier. Sur son portable s’affiche ce message : « Bonsoir à toutes et à tous. Réunion demain 9h de la CCAT à l’avenir UC Magenta. La présence des responsables de la CCAT et des référents est souhaitée ». Le procureur général voit dans « cette convocation » à « une réunion opérationnelle et stratégique » la preuve que l’agriculteur et consultant de Kunié « n’est pas n’importe qui. Sa présence est indispensable aux réunions de la CCAT ». Si « la profondeur de réflexion » et « l’engagement associatif » de l’intéressé sont loués, le magistrat l’accuse d’avoir « répercuté les ordres sur le terrain. Il fait partie de ceux qui ont mis le feu et voulu que ça se propage ». Le procureur général invoque également « les actes d’investigation » qui « doivent encore être réalisés », notamment « des confrontations » pour « éclaircir » deux témoignages qui le mettent en cause.
« Guillaume Vama, ce n’est pas Christian Tein »
Le trentenaire, qui habite la tribu de Ouaméo, a toujours clamé son innocence depuis le début de la procédure. Il a réitéré, au cours de ses auditions et devant la chambre de l’instruction, n’avoir transmis aucun ordre sur le terrain. « Je ne suis pas un terroriste, pas un mauvais garçon », avait-il déclaré à la fin octobre. S’il est toujours mis en examen pour de multiples infractions (association de malfaiteurs, vols en bande organisée, destructions de biens en bande organisée, etc.), Guillaume Vama, dont le casier judiciaire est vierge, a récemment été placé sous le statut de témoin assisté pour complicité de tentative de meurtre sur un gendarme (le piège d’une bouche d’égout avec des pieux).
« Tous les éléments juridiques sont réunis pour le placer sous contrôle judiciaire », a martelé son avocate Me Louise Chauchat, estimant qu’il était « impossible » de le maintenir en détention provisoire « avec une telle personnalité. Il est inconnu de la justice. Il s’est formé en Métropole, il est gérant de sociétés et d’associations. Il a été élu à la Chambre d’agriculture…». Le conseil reproche à l’accusation de mentionner « des généralités » sur la CCAT. « On nous parle sans cesse de Christian Tein. Mais Guillaume Vama, ce n’est pas Christian Tein. Il n’y a pas un seul élément précis sur Guillaume alors que c’est de lui dont il faut parler. C’est lui qui est détenu loin de son île, loin de sa famille, loin de sa femme Hnaéla, loin de sa fille qu’il n’a pas vue depuis six mois ». Me Chauchat a exhorté la chambre de l’instruction à ne pas examiner cette demande de mise en liberté sous le poids de « l’émotion » et « des préjugés », et à reprendre les éléments de ce dossier tentaculaire. « Il n’y a pas un SMS, pas un mail, pas une fadette qui démontre que Guillaume Vama a appelé à la haine ou donné des consignes. Le premier président a écrit dans son ordonnance que “les gens ne comprendraient pas une remise en liberté”. Mais les décisions ne sont pas prises pour répondre à la vindicte populaire ou à une partie de la population à laquelle les magistrats s’identifient ».
Après en avoir délibéré, la chambre de l’instruction a opposé un nouveau refus à la libération de Guillaume Vama. Il reste, pour l’heure, en détention provisoire.
Jean-Alexis Gallien-Lamarche