Presque six mois après le début des émeutes qui ont touché la Nouvelle-Calédonie depuis le 13 mai, il semblerait que nous soyons entrés dans une nouvelle phase. Il y a eu la sidération pendant les jours les plus violents de l’insurrection. Il y a eu la colère qui a ensuite laissé la place à une phase de latence. Pendant de très nombreuses semaines, après avoir découvert la véritable étendue des dégâts, personne ne savait comment faire pour essayer de repartir de l’avant. Nous sommes maintenant entrés dans une phase qui ressemble à du déni. On a franchement l’impression que voulant absolument refermer la page « émeutes » de notre histoire, nous sommes en train d’oublier tout ce que nous avons vécu, tout ce que certains ont subi. On a le sentiment que, désormais, les compteurs sont à zéro et que la vie reprend comme si les six derniers mois n’avaient jamais existé. Pour paraphraser une chanson de 1935, on a le sentiment que « tout va très bien, madame la Marquise ». La ville de Nouméa annonce que quinze classes de maternelle et de primaire vont fermer leur porte à la rentrée scolaire 2025, la province Nord annonce que le transport scolaire ne pourra plus être assuré à la prochaine rentrée scolaire, les communes n’ont plus un sou et ont une « espérance de vie » de plus en plus limitée, la Brousse se transforme en un immense désert médical, les politiques ont autant envie de se mettre autour d’une table pour discuter qu’un veau a envie d’aller à l’abattoir… Et ça n’inquiète absolument personne. Nous reprenons tous en cœur « tout va très bien, madame la Marquise ». Nous sommes dans le déni, puisque, de toute façon, c’est bien connu : « L’État va intervenir et nous sortir de là, comme il l’a toujours fait ». Mais attention, plus dure sera la chute car nous n’avons pas encore touché le sol. Décidément, plus ça va, moins ça va.
Lionel Sabot