Souvenez-vous, c’était il y a 2 192 jours, le 4 novembre 2018. Un dimanche, évidemment. Nous étions tous jeunes, beaux et souriants. Le premier référendum (il y en a eu un deuxième le 4 octobre 2020, et un troisième le 12 décembre 2021) d’autodétermination était organisé. Un grand jour pour la Calédonie, attendu depuis des années avec un mélange d’impatience, de crainte et d’espoir.
Six ans plus tard, avec les résultats que l’on sait (victoire du « non » à l’indépendance à 56,7 % en 2018, puis à 53,3 % en 2020, et à 96,5 % en 2021 après un boycott pour un « deuil kanak » d’un an déclenché seulement quand ça arrange), l’impatience a laissé la place à la lassitude. La crainte, elle, a été remplacée par pire, la peur. Quant à l’espoir, celui d’un avenir qui se déciderait collectivement par les urnes plus que par les armes, il a disparu, emporté comme un tourbillon par des mois d’une tension politique grandissante ayant débouché sur des semaines de violence, de destruction, de folie, de haine, de racisme. Six ans, cela devrait nous paraître proche. Pourtant, cela nous semble si loin. Entre-temps, il y a le Covid-19 (engendrant déjà, à l’époque, une montée du racisme), un nouveau gouvernement, des élections (municipales, législatives, européennes, présidentielle), la vertigineuse chute du cours du nickel… et puis cette crise insurrectionnelle, commencée le 13 mai. Rien que sur ces six derniers mois, on a l’impression d’avoir vieilli de vingt ans, alors que le pays, économiquement et politiquement, a, lui, brutalement reculé de plusieurs décennies.
Anthony Fillet