Professeur de droit à l’université de Melbourne, Eric Descheemaeker s’intéresse de près au dossier calédonien et s’est fait remarquer par plusieurs tribunes, notamment dans Le Figaro. Nous l’avons rencontré alors qu’il est actuellement sur le territoire.
LVDC : Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
Eric Descheemaeker : Je suis professeur de droit à l’Université de Melbourne. Né et ayant grandi à Paris, je suis parti faire ma thèse en Angleterre, à Oxford, pour découvrir un peu plus le vaste monde. Ce que je n’avais pas prévu, c’est que je ne rentrerais jamais. J’ai donc vécu et enseigné dix ans en Angleterre puis six en Ecosse, avant de partir pour l’Australie en 2017.
LVDC : Pourquoi le sujet calédonien vous intéresse-t-il autant ?
E.D. : En partie, bien sûr, du fait que je vis moi aussi dans le Pacifique. Le sujet me concerne donc plus directement que beaucoup. Mais, plus fondamentalement, cela tient au fait que la Nouvelle-Calédonie fait partie de mon pays. Or, j’appartiens à ces gens, plus nombreux je l’espère qu’ils n’en ont l’air, qui aiment leur pays dans sa totalité, de Tourcoing à Saint-Laurent-du-Maroni et de Sauveterre-de-Béarn à Nouméa, dans tout ce qu’il a de beau et même dans tout ce qu’il peut avoir de moins beau ou de violent. La Nouvelle-Calédonie est à l’heure actuelle le seul territoire français menacé dans son existence même ; s’y intéresser, l’aimer, et me battre pour que la France n’en soit pas amputée sont pour moi des évidences. Je n’arrive pas à comprendre que tous nos compatriotes de métropole ne se sentent pas pareillement concernés. Il y a là sans doute un défaut d’éducation qu’il faudra corriger.
LVDC : Vous estimez que le projet désormais abandonné de dégel (à dix ans de résidence tel que prévu dans le projet de réforme constitutionnelle) serait “délétère”. Pourquoi ?
E.D. : Pour l’exacte raison inverse des indépendantistes : parce qu’il n’allait pas assez loin. Il aurait pérennisé une situation qui ne pouvait être que temporaire et exceptionnelle (comme l’a d’ailleurs confirmé la Cour européenne des droits de l’homme), à savoir l’exclusion de citoyens français du droit de vote dans leur propre pays, ce qui constitue un scandale démocratique majeur. Selon les principes fondamentaux à la fois de notre droit et de la morale commune, il n’y a qu’une seule légitimité, nécessaire et suffisante, pour voter sur une terre qui est française : c’est d’être citoyen français et d’y vivre. Un « métro » n’est pas moins légitime à s’exprimer qu’un Caldoche de la cinquième génération, qu’un descendant de Vietnamiens venus de manière quasi-forcée travailler dans les mines ou qu’un Kanak « appartenant » à cette terre, comme la culture mélanésienne aime à le dire. Dès le moment où nous considérons que la légitimité vient d’autre chose, d’une sorte de lien suffisamment ancien avec la Nouvelle-Calédonie, nous entrons dans une logique qui non seulement détruit le vivre-ensemble, mais selon laquelle chacun trouvera toujours plus « pur » que lui pour lui dénier sa qualité de Calédonien.
Ce contenu est réservé aux abonnés.
Connectez vous pour y accéder !
Propos recueillis par Béryl Ziegler