Nicolas Metzdorf, les raisons de la colère

C’est le teint et la voix blêmes que le député Metzdorf a interpellé le Premier ministre à l’occasion de la première séance des questions orales au gouvernement à laquelle se soumettait le nouvel exécutif.

Lors de cette séance de questions, dans la nuit de mercredi à jeudi pour nous, le député de la première circonscription n’a pas retenu ses coups face au nouveau chef du gouvernement. Rappelant les termes de son discours de politique générale au sujet de la Nouvelle-Calédonie, Nicolas Metzdorf a accusé Michel Barnier d’avoir « humilié » et « abandonné » les Calédoniens. Il lui a surtout reproché de n’avoir eu aucun mot pour les victimes des émeutes de la CCAT, pour les entreprises comme pour les particuliers qui ont perdu maisons, emplois, salaires.

Il menace de voter la censure

Cette colère ne s’est pas apaisée puisque quelques heures plus tard, invité de France Info, Nicolas Metzdorf a annoncé qu’il voterait la censure à l’encontre de Michel Barnier, et qu’il en avait informé le chef de l’État.

L’annonce par Michel Barnier que le congrès de Versailles ne se réunira pas pour acter le dégel du corps électoral est pour le député Metzdorf « une insulte envers tous les Calédoniens qui, depuis quatre mois subissent les agressions, les violences, les pillages, les maisons brûlées, les entreprises brûlées et qui ont résisté pour obtenir le droit de vote dans leur pays ». Il ajoute que, « devant la violence, Michel Barnier fait reculer la démocratie. C’est une honte pour la République », estime le députe, car le Premier ministre a donné raison à ceux qui ont cassé et pillé. « Il annonce qu’il ne va pas donner le droit de vote aux Calédoniens, mais il n’a eu aucun mot pour tous ceux qui avaient tout perdu, aucun mot pour les victimes des exactions. »


Au Sénat, des propos tempérés

Au lendemain de son intervention à l’Assemblée nationale, c’est au Sénat que le Premier ministre s’est exprimé. Et d’évoquer à nouveau, mais très brièvement, la Nouvelle-Calédonie. L’interpellation de Nicolas Metzdorf et sa menace de voter une éventuelle censure ont-t-elles eu un effet ? Toujours est-il que le Premier ministre a confirmé que l’État « fera face à l’urgence économique et sociale » : il a annoncé examiner les conditions de « prolongation sur les prochaines semaines des aides d’urgence qui ont été mises en place depuis le mois de mai dernier. De nouvelles mesures de soutien aux populations, de plus en plus en difficulté, doivent être mises en œuvre. » Il a rappelé l’envoi prochainement d’une mission de « dialogue, d’écoute et de considération », pour permettre d’engager des discussions sur l’avenir institutionnel. Mais on retient surtout que Michel Barnier a déclaré aux sénateurs que, « outre les sujets économiques et sociaux, devrons être abordés l’organisation et les compétences des pouvoirs locaux, la composition du corps électoral et son élargissement pour les prochaines provinciales, ainsi que les différents autres sujets de nature institutionnel ».


Le Conseil d’État

Sollicité par le gouvernement sur la loi de révision constitutionnelle en janvier dernier, le Conseil d’État avait rappelé quelques principes fondamentaux. D’abord que le gel, à l’instar de l’accord de Nouméa, était un processus transitoire (confirmé par la Cour européenne des droits de l’homme). Mais on retient surtout dans l’avis en date de janvier 2024 que « le Conseil d’État estime que les règles qui définissent aujourd’hui l’établissement du corps électoral de la liste spéciale pour l’élection du Congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie présentent un risque nouveau d’entrer en contradiction, d’une part avec les principes constitutionnels, d’autre part avec les engagements internationaux de la France ». En dépit de ce qu’a annoncé Michel Barnier à l’Assemblée nationale, le gel, c’est-à-dire la restriction du droit de vote, ne peut se poursuivre dans le temps.

En décidant de ne pas convoquer le congrès de Versailles, le Premier ministre impose d’une certaine manière le fait que le dégel ne sera acté que par la voix d’un accord global. Ce qui, on s’en doute, est loin d’être gagné, d’où des problèmes constitutionnels et juridiques en perspective.


Barnier embarrassé ?

Nicolas Metzdorf, lors de cette séance, n’a pas été seul à interroger le Premier ministre. Ce dernier a également dû répondre à une question de l’autre député calédonien, Emmanuel Tjibaou. Ce dernier lui a demandé quelle méthode « concernant la reprise des discussions institutionnelles » il entendait mettre en œuvre. Et le Premier ministre a semblé embarrassé, cherchant ses mots, laissant entendre qu’il se reposait sur la mission que devraient mener le mois prochain en Nouvelle-Calédonie le président du Sénat et la présidente de l’Assemblée nationale. On notera aussi qu’Emmanuel Tjibaou n’a pas caché que ces discussions institutionnelles devaient conduire « la Nouvelle-Calédonie sur le chemin de sa pleine souveraineté », sur la base des résultats des dernières législatives (et non des trois référendums), résultats qui, a précisé le député de la deuxième circonscription, « ont conforté le projet indépendantiste ».


Darmanin sceptique

Sur sa page Facebook, Gérald Darmanin, qui a eu en charge le dossier calédonien, a commenté lui aussi la prestation de Michel Barnier. Et lui non plus ne mâche pas ses mots, concernant l’incise calédonienne dans le discours de politique générale. « Je regrette », dit Gérald Darmanin, « l’annonce de la fin du projet de dégel du corps électoral en Nouvelle-Calédonie sans, par ailleurs, annoncer un plan de soutien économique et social pour nos compatriotes sur place ». À noter que certains parlementaires se sont émus de ce qui leur est apparu comme une différence de traitement. Alors que c’est le ministre des Outre-mer qui a répondu à la question que Nicolas Metzdorf posait au Premier ministre, c’est ce dernier en personne qui a répondu à Emmanuel Tjibaou. Gabriel Attal et Gérald Darmanin s’en sont étonnés, le député Sacha Houlié a estimé pour sa part que c’était « au minimum maladroit, au pire honteux ».



Nicolas Vignoles

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