Rivière-Salée libéré, délivré ?

Vendredi, dix-neuf jours après le début des émeutes, les forces de l’ordre sont entrées dans Rivière-Salée afin de nettoyer le quartier situé au nord Nouméa. Une opération conséquente qui aura nécessité l’intervention des blindés et de près de 400 gendarmes et policiers.

Ils attendaient ce moment depuis longtemps. Depuis le début des émeutes, le lundi 13 mai. Car jusqu’à vendredi matin, de nombreux habitants de Rivière-Salée avaient mis leur quotidien entre parenthèses, contraints de vivre presque reclus dans leur habitation respective. « On ne dort plus la nuit. On est obligés de surveiller les alentours. On ne se sent plus en sécurité, on en a marre », glissait, excédée et fatiguée, une résidente. Si sa maison a été épargnée, son lieu de travail, lui, a été pillé et saccagé dès les premiers jours. Elle a vu des voisins prendre la fuite, par peur. Elle a vu, aussi, un magasin et une maison brûler sous ses yeux, à quelques dizaines de mètres seulement de sa résidence. « Certains, dès qu’ils ont eu l’occasion de partir, ils sont partis. Nous, on reste à contre cœur, car on sait que si on part, ils vont brûler nos maisons. On n’a pas le choix », expliquait-elle.

Un quartier coupé du monde

Ce témoignage a été recueilli la veille de la vaste opération des forces de l’ordre dans le quartier du nord de Nouméa. « Ils ne sont jamais passés nous voir, il n’y a jamais eu d’intervention », affirmait-elle alors.

Jeudi, en effet, le rond-point à l’entrée était intégralement vide. Sur le bitume, considérablement marqué par les exactions et les nombreux feux allumés, seules quelques forces de l’ordre étaient présentes pour protéger ce lieu de passage stratégique entre Ducos et Belle-Vie notamment. Mais, dès les premiers mètres à l’intérieur de Rivière-Salée, le long des terrains de rugby notamment, le paysage qui s’offrait alors aux automobilistes témoignaient des émeutes actuelles. Pour avancer sur l’avenue Bonaparte, il fallait véritablement slalomer. Rouler sur la voie du Néobus, sur les trottoirs, sur l’herbe et parfois sur la route habituelle. A chaque barrage, pourtant, aucun contrôle, aucune fouille. Les gens saluaient, faisaient signe d’avancer. Sourire aux lèvres, même, pour certains. Chacun guidant alors les conducteurs les plus téméraires entre les débris, les carcasses de voitures brûlées, les poteaux, les caddies ou les déchets verts. Et ce jusqu’au pied de la station Mobil, vandalisée au début des émeutes, où différentes bâches étaient installées. Dessous, des chaises, des tables, du café. Et une dizaine de personnes qui attendaient, qui discutaient à côté d’une voiture encore fumante. « Elle est là depuis trois ou quatre jours », assurait alors l’un d’eux.

« Il ne faut pas croire, c’est la galère pour tout le monde »

Qui sont ces hommes ? Des partisans de la CCAT ? Difficile de répondre précisément à ces questions. Jeudi, ils se présentaient avant tout comme des habitants de Rivière-Salée. Mais, aussi, comme des indépendantistes. « Là, ce que je vois, c’est toute une culture qui s’organise. C’est tout un peuple qui se met debout aujourd’hui », glissait alors Kydam, un rappeur bien connu du territoire. La réforme constitutionnelle en faveur du dégel du corps électoral, qui a mis le feu aux poudres dès le lundi 13 mai, n’était même plus le sujet dominant. Dans les bouches de chacun, un terme, à chaque fois : « Kanany ». « Il y a une volonté d’exister », expliquait-il, réfutant tout « grand banditisme ». Même si, grâce au chaos actuel, « on se retrouve sur toutes les chaînes de télévision du monde entier ».

Condamne-il les émeutes ? La réponse, clairement, est non. Il espère pourtant que la Calédonie « arrivera à tirer les leçons » de tout ce qu’il se passe actuellement. Une période « historique », qui a tout de même coûté la vie à sept personnes jusqu’à présent. Cinq civils et deux gendarmes. « Les morts, on est tous tellement tristes », assurait-il, alors qu’un drapeau noir, car « on est tous en deuil », flottait à côté du drapeau du FLNKS. « Il ne faut pas croire, c’est la galère pour tout le monde. On cherche à manger. Heureusement que nos familles sont là », clamait-il également.

« La colère, elle n’est pas nouvelle »

Dans les rues adjacentes, les discours résonnaient d’une façon similaire. Les carcasses se succédant les unes après les autres. Et, parfois, à seulement quelques mètres l’un de l’autre, certains barrages se faisaient face. Des habitants excédés qui attendaient « l’arrivée des forces de l’ordre » d’un côté, des indépendantistes qui « comprennent la colère des petits frères » de l’autre. Echangaient-ils ? Discutaient-ils ? « Oui, tous les jours, on est obligés », assurait alors une habitante. « La colère, elle n’est pas nouvelle. Ça fait longtemps qu’on n’est plus écouté. Les jeunes, c’est pour ça tout ça », expliquait un des manifestants sur le barrage, installé entre une maison et le magasin Chez Caro, tous les deux incendiés lors des premiers jours d’émeutes. A ses côtés, d’autres personnes, plus ou moins jeunes, équipées, pour certaines, d’une bibiche, d’un fusil de chasse-sous-marine ou d’une petite hache.

Ce constat, triste réalité des trois dernières semaines, a-t-il pris fin ? Le paysage qui s’offrait aux automobilistes vendredi après-midi n’avait plus rien à voir alors que l’avenue Bonaparte avait été délestée de l’ensemble des barrages, grâce à l’opération de grande ampleur menée par près de 400 forces de l’ordre. Jusqu’à quand ? C’est désormais la question que se pose l’ensemble des habitants.

Claire Gaveau

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