Comme dans de nombreux quartiers de l’agglomération de Nouméa, les évènements de ces derniers jours ont mis à feu et à sang le secteur de Ducos. Pourtant, dans cette zone économique regroupant plus de 4000 entreprises, habitants, employés et chefs d’entreprises mènent un combat de chaque jour pour préserver ce qui peut l’être.
Route de la Baie des Dames, à Ducos. Les carcasses de voitures incendiées font désormais partie du paysage, et côtoient les détritus laissés au sol, pendant qu’une énième entreprise prend feu, en matinée. Une semaine après le début des émeutes, il devient presque plus rapide de compter le nombre d’entreprises intactes que celles incendiées.
Pourtant, tel le phénix qui renaît de ses cendres, les habitants et employés travaillant dans le coin n’ont pas dit leur dernier mot. Chaque jour et chaque soir, ils se relaient pour assurer une présence, et éviter que d’autres établissements ne soient la proie des flammes.
Sur trois stations service présentes dans Ducos, deux ont été incendiées dernièrement. Ne reste que la station Mobil, située peu avant Brioche dorée. “C’est important de la garder, car sinon on sera obligés de faire des kilomètres pour faire l’essence après”, souligne Gabriel. Habitant le secteur, il surveille la station en journée, en compagnie de ses deux amis Franck et Thierry. Le soir, une autre équipe de personnes prend la relève. Une présence qui dissuade les jeunes émeutiers de tenter un pillage ou un incendie, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’habitants de Ducos. “Ils ont déjà essayé, on leur a dit non. Des fois, on les prend en flagrant délit sur d’autres sites. Mais on leur parle, on leur dit qu’il faut arrêter, et ils nous respectent”, partagent les trois hommes.
“Éviter que tout parte en flammes”
Non loin, l’entreprise de Jean-Paul (prénom d’emprunt) est également protégée par des habitants du quartier, “80% du temps”. “J’habite à Païta, donc j’essaie de venir la journée pour les relayer le plus souvent possible afin qu’ils puissent aller dormir. Ils ont fait des barrages à l’entrée de chaque rue, et se relaient pour surveiller. Ils ont monté un groupe Facebook et s’organisent grâce à ça”, explique le chef d’entreprise. Parmi eux, il y a Ambroise. Depuis le début des émeutes, ce retraité est présent sur place, pour “éviter que tout parte en flammes”. Il faut dire que dans Ducos, une entreprise de désinsectisation est présente. “S’ils mettent le feu à ça, il pourrait y avoir des fumées toxiques”, s’inquiète-t-il.
Plus haut dans le quartier, en se rendant vers Kaméré, les routes sont barrées ici-et-là par des voitures incendiées, nécessitant une vigilance accrue. Heureusement, certains jeunes, comme “Napox” se portent volontaires pour gérer la circulation des voitures, de part et d’autre. “On est obligés, il n’y a personne pour le faire. Aujourd’hui, on ne sait pas où sont nos politiciens. Pourtant, ce sont eux qui ont fait en sorte qu’on en arrive là, puis maintenant, ils ne viennent pas nous aider. Depuis que ça a éclaté et qu’ils ont une peine d’emprisonnement sur leur tête, ça y est on les voit plus. Il n’y en a même pas un seul qui est venu nous donner à manger, c’est pour ça que y en a qui pillent maintenant”, dénonce le jeune homme, un brin énervé. “Donc voilà, maintenant, c’est nous qui sommes sur le terrain. On fait passer tout le monde, et on aide les ambulanciers en leur apportant les médicaments dont ils ont besoin”, décrit-il.
“Nous sommes une famille”
Outre les habitants de Ducos, certains employés d’entreprises présentes dans le secteur font également bloc pour protéger leur bien commun. Dans l’entreprise de Franck, ils sont, en temps normal, une quarantaine d’employés. Avec la situation actuelle, seule une petite poignée d’entre eux arrivent se déplacer. Pourtant, ils répondent à l’appel chaque jour, afin de surveiller leur entreprise, pour le moment intacte. “L’appel à volontaires a été très largement suivi, sûrement parce que c’est un groupe multi ethnique, et solidaires. Nous sommes une famille, et sommes très attachés à notre outil de travail”, sourit, bien que fatigué, Franck.
Si la plupart vivent pour le moment “au jour le jour”, beaucoup de ses habitants, employés et patrons ayant leur entreprise à Ducos, espèrent que la situation “se calme très vite”, redoutant un impact déjà très conséquent sur l’économie calédonienne. Pour autant, pour le moment, “hors de question d’ouvrir” tant que les conditions de sécurité ne sont pas réunies. L’heure reste à la “survie”.
Nikita Hoffmann