Au Camp-Est, « c’est trop serré, on ne mange pas à notre faim »

Deux émeutiers qui devaient être jugés pour de graves violences sur des policiers municipaux à Nouméa se sont plaints des conditions de détention d’un Camp-Est plein à craquer, avant d’être incarcérés en attendant leur procès.

Aux incendies, pillages et affrontements contre les forces de l’ordre qui rythment le quotidien des Calédoniens, le gouvernement mise sur une réponse pénale implacable. En témoignent les consignes de politique pénale du ministre de la Justice, désireux de frapper vite et fort. Le Garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti a ainsi demandé au procureur par une circulaire d’apporter une réponse pénale « rapide, ferme et systématique » aux auteurs des exactions.

A l’audience de comparution immédiate, mardi, deux hommes se présentent entourés de policiers nationaux cagoulés dans le box. Ils avaient, semble-t-il, donné leur accord pour être jugés ce jour avant de finalement faire machine arrière. Ce sera donc un renvoi du procès et le tribunal correctionnel a seulement dû se pencher sur les mesures de sûreté. Camp-Est ? Libération sèche ? Contrôle judiciaire ?  Assignation à résidence ?

Petites tresses sur la tête, le plus jeune des deux est célibataire et n’a pas d’enfant. Il habite chez ses parents à Ondémia (Païta) et à 26 ans, il travaille « en extra comme cuisinier ». « Ça me fait 100 000 francs de temps en temps », confie-t-il. De son passé judiciaire, on ne saura rien ou presque puisque son casier judiciaire n’était « pas disponible ». Seulement, apprend-on, qu’il aurait été condamné en 2021 à un outrage et l’année suivante à 6 mois de prison ferme pour des dégradations.

Déféré dimanche et placé sous mandat de dépôt, il a vécu deux nuits au centre pénitentiaire de Nouville. « On est trop serré, il n’y a pas assez de place », affirme-t-il alors que des bâtiments ont été incendiés la semaine dernière et que 168 détenus ont été obligés d’être placés dans des cellules déjà surchargées. L’homme témoigne : « on ne mange pas à notre faim, on a fait tourner de la purée qui nous a donné mal au ventre ». Il espère convaincre les magistrats de ne pas le renvoyer derrière les barreaux.

« Ça s’infecte, il y a du pus »

Son acolyte supplie lui aussi de ne pas y retourner. A la présidente qui lui demande ce qu’il privilégierait comme mesure en attendant son procès, il parle « d’un pointage. Tous les matins s’il le faut. » Crâne dégarni, ce résident du squat du Kuendu Beach de 27 ans multiplie les « petits contrats en espaces verts et en maçonnerie ». Lui aussi vit avec quelques pièces « et parfois rien ». La détention a été une étape trop difficile à vivre surtout que « j’ai mal à la jambe. Ça s’infecte, il y a du pus. Je n’ai vu aucun médecin là-bas ».

Son avocat Me Stéphane Bonomo éclaire la juridiction : son client a été blessé par « une morsure du chien de la police municipale alors qu’il était interpellé et menotté ». Et son camarade a été « tasé dans le fourgon. Ces pratiques interrogent… On ne peut pas se comporter de la sorte. »

La présidente en profite justement : « les services publics sont pillés et incendiés, ils ne peuvent plus fonctionner, il y a des barrages partout. Votre situation est la même à Magenta ou à Rivière-Salée avec des gens qui ne mangent pas à leur faim, qui ne peuvent pas se déplacer, qui font la queue pendant des heures pour des courses et des bébés manquent aussi de lait… ». Une question ponctue la déclaration : « vous en pensez quoi des barrages et des incendies ? ». Les deux prévenus regardent la présidente. Ils ne diront rien. Silence.

Des quartiers « soumis à la loi du plus fort »

Sans que le fond du dossier ne soit abordé, la présidente évoque dans les grandes lignes ce qui leur est reproché. Samedi dernier, vers une heure du matin, ils sont repérés sur les caméras de vidéosurveillance de la ville à bord d’un véhicule d’une boulangerie volé. A l’entrée de la route de Nouville, les municipaux tentent de les intercepter. Une herse est jetée. Le conducteur fait mine de leur foncer dessus avant de se raviser. Un fonctionnaire s’accroche à la porte du passager qui vient lui « claquer » une bouteille d’alcool sur la cuisse. La douleur a été telle que le policier a pu difficilement se relever.

Et justement, les « maux dont se plaignent » les prévenus au Camp-Est « sont bien dérisoires au regard de ce que la population vit ces derniers jours. C’est le fruit des actions de ces personnes. Ils sont dangereux », dénonce le bâtonnier Me Philippe Reuter, à la partie civile. Le procureur Richard Dutot le rejoint : « ils doivent être maintenus en détention » en attendant l’audience, note le magistrat qui relève que « la criminalité et la délinquance continuent dans certains quartiers qui sont soumis à la loi du plus fort au détriment des lois républicaines ».

Au contraire, l’avocat de la défense Me Stéphane Bonomo demande de « faire œuvre d’ouverture » et de ne pas incarcérer ses clients. « Je serai le premier à engager la responsabilité de l’État s’il a des problèmes à la jambe. Ce n’est pas parce qu’il y a des émeutes qu’on ne doit pas les soigner ou leur donner à manger. »

Le procès a été renvoyé au 11 juin prochain. En attendant, ils sont maintenus en détention en raison « du risque de non-représentation en justice ».

Jean-Alexis Gallien-Lamarche 

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