La signature, il y a une dizaine de jours à Bakou, d’un mémorandum posant les bases d’une future collaboration entre le Congrès de la Nouvelle-Calédonie et l’Assemblée nationale de l’Azerbaïdjan, « est une faute à la fois politique et morale », dénoncent Veylma Falaeo et Milakulo Tukumuli, élus au Congrès sous les couleurs de l’Éveil Océanien.
A l’Éveil Océanien, on aime publier des communiqués le vendredi soir. C’est souvent cinglant. Le 29 mars, c’était contre les propos des Loyalistes et du Rassemblement, qui venaient de quitter le Congrès. Le 5 avril, c’était pour un report de la signature du pacte nickel. Et donc le 26 avril, le sujet abordé fut l’Azerbaïdjan.
Le texte, d’une longueur mesurée et comme toujours bien tourné, commence par une citation d’un ancien Premier ministre, Michel Rocard : il faut « toujours préférer l’hypothèse de la bêtise à celle du complot, car la bêtise est courante, alors que le complot exige un esprit rare ». Ainsi, « la signature du mémorandum avec l’Azerbaïdjan est un entre-deux », estiment les deux élus de l’Éveil Océanien. « C’est une faute politique d’abord parce qu’il y a en permanence dans la première institution du pays un mélange de genre, une confusion entre représenter la Nouvelle-Calédonie et représenter le FLNKS, d’autant plus que ni le président du Congrès et encore moins Omayra Naisseline n’ont été habilités » pour cette signature, celle-ci étant dont « une forfaiture » .
Le FLNKS fait « n’importe quoi »
Veylma Falaeo et Milakulo Tukumuli pensent que « la quasi-totalité des élus du Congrès sont contre cette signature ». Plus largement, « s’égarer à l’extérieur » du territoire « et faire n’importe quoi alors que notre pays s’enfonce dans une crise politique, économique et sociale dégrade encore une fois la réputation des élus ». Faute politique, également, « car à ce moment précis de l’Histoire où notre avenir se joue au Parlement français, le message de cette signature renvoie au mieux à de l’immaturité et au pire à de la provocation ».
Comparaison n’est pas raison
Pour ne rien arranger, « c’est une faute morale de se justifier en comparant le conflit Azerbaïdjan-Arménie de 2021 et la colonisation de la France en Nouvelle-Calédonie en 1853. Nous condamnons », expliquent les deux élus, « aussi bien la France coloniale que ce conflit frontalier, ainsi que tout autre conflit similaire d’occupation ou de colonisation armé. Le raisonnement ‘’l’ennemi de mon ennemi est mon ami’’ est peut-être vrai en géopolitique mais a ses limites en décolonisation. »
Conclusion de Veylma Falaeo et Milakulo Tukumuli : étant donné qu’il y a fort à parier qu’« emmener ce débat en séance publique fragiliserait le pays encore un peu plus, nous demandons solennellement au président du Congrès de déclarer ce mémorandum nul et non avenu ».
Que fera maintenant Roch Wamytan ? En début de semaine der nière, le président du Congrès avait rappelé qu’il n’abandonnerait pas ce mémorandum, « sauf si le tribunal » l’y contraint. Dans ce dossier, le procureur de la République a été saisi par le mouvement loyaliste. Affaire à suivre, donc.
Quelles conséquences ?
Le communiqué de Veylma Falaeo et Milakulo Tukumuli a fait du bruit en cette période de pré-campagne pour les élections provinciales. L’Éveil Océanien, point d’équilibre du jeu politique ces dernières années, ayant finalement fait pencher la balance du côté indépendantiste en l’aidant à prendre le contrôle de la plupart des institutions, pourrait-il basculer de l’autre côté ? Certains l’espèrent, d’autres en rêvent, beaucoup s’interrogent et finalement peu y croient. Si le mémorandum avec l’Azerbaïdjan n’est pas annulé, et si derrière le président du Congrès signait un accord avec un autre pays peu recommandable au niveau politique et des droits humains, l’Éveil Océanien passerait-il cette fois des écrits aux actes ?
Anthony Fillet