Avec plus de 20 millions de francs de bénéfices, le clan familial avait monté un petit empire du cannabis

Plusieurs kilos d’herbe, des centaines de pieds répartis dans six appartements, une arme de poing et de l’argent liquide avaient été saisis par les gendarmes qui avaient fait tomber un gros réseau piloté par une mère de famille et ses deux fils. Ils viennent d’être condamnés.

C’est la chute d’un clan familial sans histoire et au-dessus de tout soupçon devenu un petit empire du cannabis. Entre 2021 et 2023, une mère de famille de 55 ans et ses deux fils, âgés de 26 et 23 ans, ont réussi à développer une véritable « entreprise » du cannabis à Nouméa et dans le Grand-Nouméa, réussissant à écouler des dizaines de kilos d’herbe en s’appuyant sur des « lieutenants » chargés de revendre le produit aux clients.

Une ascension fulgurante pour ces gens insérés dans la société et qui n’avaient jamais fait parler d’eux qui a pourtant pris une tout autre tournure avec leur arrestation à la mi-décembre. Au tribunal correctionnel de Nouméa, mardi, la présidente Hélène Gaillet a minutieusement repris ce dossier particulièrement volumineux en raison des innombrables actes d’enquêtes des gendarmes qui ont eu recours aux écoutes téléphoniques, aux filatures et aux réquisitions (notamment) bancaires pour faire tomber ce réseau.

« Monsieur Pablo »

Si cette affaire ne ressemble à aucune autre, c’est d’abord par son point de départ. Le 12 août dernier, le plus âgé des frères est interpellé par les gendarmes dans le cadre d’une enquête ouverte pour des soupçons de trafic de méthamphétamines entre la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française. La perquisition ne donne rien sur ce point mais 1,6 kilo d’herbe de cannabis et une cinquantaine de pieds dans une chambre de culture sont découverts incidemment. Les enquêteurs de la Section de recherche se saisissent de ce dossier. Il va apparaître ainsi que le suspect, affublé du surnom « Monsieur Pablo », est en réalité un trafiquant de premier ordre. Sa particularité ? Pour produire toujours plus d’herbe de qualité en « chambre indoor », il avait loué six appartements ou maisons à Païta, Dumbéa et au Mont-Dore pour multiplier les points de production et obtenir un plus fort rendement de sa culture. Et sous ses ordres, trois ou quatre « lieutenants » qui faisaient office de jardiniers, de logisticiens et de vendeurs et qu’il rémunérait soit en cannabis, soit en espèces. « Il y avait une certaine organisation et des investissements importants pour avoir des lieux adaptés à la culture de cannabis », souligne la présidente, révélant que « des mouvements de fonds » importants ont été retracés sur ses comptes bancaires et ses « carnets de comptabilité » exploités. « Les gendarmes ont estimé que les ventes rapportaient quotidiennement 60 000 francs, ce qui représente plus de vingt millions de francs de bénéfices entre 2021 et 2023 », note la magistrate. Les affaires sont florissantes et le jeune homme ne fait pas que produire. Il achète aussi à des « grossistes » des kilos d’herbe qu’il revend ensuite, réussissant une marge de 700 francs par gramme. Entre 2021 et 2023, les enquêteurs ont la conviction qu’il a déboursé 8,4 millions de francs pour 27 kilos d’herbe qu’il a ensuite cédé pour 28 millions. « Je n’ai pratiquement rien gagné, j’ai mené une vie normale, seulement quelques restaurants abordables », a maintenu le prévenu.

Une mère « esclave de ses enfants »

Hésitante d’abord à répondre aux questions des juges, cette quinquagénaire a ensuite totalement assumé sa participation à ce trafic. Son rôle était principalement de blanchir l’argent de la vente de cannabis de ses deux fils. Une somme de 10 millions de francs en espèces lui aurait ainsi été remis par son plus grand fils. Elle aurait aussi aidé à préparer les enveloppes de cannabis pour le plus jeune des fils dont elle recevait des instructions pour revendre à certains clients qui se pressaient devant la maison familiale. En pleurs, elle a reconnu ne « pas avoir su dire non à mes fils. C’est l’amour pour eux qui m’a conduit là. J’ai pris conscience qu’en voulant les protéger, j’ai commis un délit ». Son avocat Me Philippe Olivier parlera d’une femme « esclave de ses enfants, qui s’est mise à leur service ». Chez elle, les gendarmes retrouveront une arme de poing en perquisition.

Un « supermarché de la drogue »

Le procureur de la République Richard Dutot dénonce « les quantités d’herbe gigantesque et les centaines de millions de francs de bénéfices », résultat d’un trafic « juteux et prospère » géré « d’une main de fer » par l’un des fils qui a continué « à donner des instructions depuis sa cellule du Camp-Est pour recouvrer des fonds ». « Ils n’avaient aucun mal à finir les fins de mois. C’était un supermarché de la drogue avec du cannabis de toutes les qualités. Ils se sont fait du beurre sur le dos de la santé publique car il n’y a pas de distinction à faire entre les drogues prétendument douces et la cocaïne ou le LSD », a chargé Richard Dutot qui a requis quatre ans de prison pour l’un des fils et deux ans de prison pour le frère et la mère. En défense, l’avocate Me Anne Saudeau-Faivre a critiqué les « élucubrations sans fondement des gendarmes. Ce trafic nous est présenté de manière industrielle. Leur train de vie n’a pas changé, il n’y a aucune voiture de luxe ou de cadeaux. Il a cédé à l’argent facile et maintenant, c’est terminé ».

Au terme de presque sept heures d’audience, le tribunal a condamné à 30 mois de prison ferme le fils le plus impliqué dans le trafic et son frère à dix-huit mois de prison. Tous deux vont purger leurs peines derrière les barreaux du Camp-Est. Leur mère a écopé d’un an de prison qu’elle effectuera chez elle avec un bracelet électronique. La juridiction a également confisqué l’ensemble des scellés qui comprenaient trois voitures, de l’argent liquide et des armes.

Jean-Alexis Gallien-Lamarche

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