Trois jeunes de Thio, amateurs de cylindrées aux moteurs puissants, ont été pris par les gendarmes après une série de vols. Deux d’entre eux ont retrouvé le Camp-Est.
Ils ne reculent devant rien quand il s’agit de dérober des véhicules. Et que le propriétaire soit endormi dans sa maison, qu’il n’avait pas fermé, avec les clés sur sa table de nuit ne change rien à leur projet. Trois jeunes de Thio Mission, âgés d’une vingtaine d’années, ont été traduits en comparution immédiate devant le tribunal correctionnel de Nouméa après avoir été confondus par les gendarmes dans plusieurs vols de véhicules. Dans la nuit du 17 au 18 octobre dernier, ils réussissent sans aucune difficulté à s’emparer d’un pick-up. La technique est parfaitement rodée : ils cassent la vitre arrière du véhicule et forcent le neiman, il ne reste plus qu’à relier les fils de la batterie et du démarreur. Dans la foulée, c’est à Païta qu’ils se rendent avec en tête, l’idée de dérober une nouvelle voiture. « Le pick-up n’allait pas assez vite, il vous fallait quelque chose de plus puissant », fait remarquer la présidente Hélène Gaillet, précisant que les trois prévenus sont « fans de voitures, de dérapages et quand ça va vite ».
« Pour faire ‘mumuse’ »
A 3 heures du matin, à l’heure où tout le monde dort, deux d’entre eux pénètrent dans une maison. La baie-vitrée n’avait pas été verrouillée. Sans un bruit, ils s’infiltrent dans la chambre parentale et font main basse sur les clés du véhicule et trois portables. Les propriétaires ne se doutent de rien. Ils sont finalement réveillés par le bruit du moteur de leur voiture qui s’en va. Ils avaient pris le soin, juste avant, de siphonner l’essence du bateau. « On voulait profiter de cette voiture pour faire des drifts et des donuts [des figures, NDLR] », avoue l’un d’eux, le visage entièrement tatoué, signe de passages réguliers au Camp-Est. La victime arrive chancelante devant les magistrats. L’émotion la déborde. « Nous sommes traumatisés », témoigne-t-elle, en pleurs. Elle n’arrive pas à dire un mot de plus. « Atterrée » par le comportement de ces voleurs, Me Sigrid Nguyen-Cavrois, en partie civile, affirme que ses clients ont acheté cinq millions de francs le véhicule « avec les économies de leur vie. Et personne ne voudra les rembourser, pas même l’assurance, car le cambriolage a été sans effraction. Et tout cela, pour faire ‘mumuse’ pendant trois jours… ».
24 ans, 26 condamnations
Trois jours, c’est le temps qu’ils auront passé à Thio à faire n’importe quoi. Car « dans le temps de la flagrance », les gendarmes vont « faire un gros travail d’enquête », se félicite le procureur Nicolas Kerfridin, pour les retrouver. Ils vont notamment s’appuyer sur de multiples investigations techniques et téléphoniques. Car les voleurs ont placé leurs cartes SIM dans les portables volés. En recoupant toutes les informations, les enquêteurs retracent le périple du groupe avant de parvenir à les interpeller.
La présidente tente de les sensibiliser, « les victimes ont désormais la trouille et vont devoir s’enfermer chez eux à double-tour comme dans une prison. C’est le monde à l’envers ». Pas certain que ces trois jeunes soient pour autant très réceptifs à cette pédagogie. Leurs casiers en attestent. L’un d’eux présente 26 condamnations, quasi-exclusivement pour des vols. Il n’a que 24 ans. « En additionnant les peines, cela représente un total de neuf ans de prison. Il a déjà été détenu trois ans et demi en continu au Camp-Est, et vient de sortir en libération conditionnelle », décrit le procureur Nicolas Kerfridin, fataliste face à la situation actuelle : « il fut un temps où l’on pouvait dormir sans fermer sa porte à clé. Tout ça n’est plus vrai ». Le parquetier a voulu faire passer un message de fermeté, « le problème de surpopulation du Camp-Est n’empêchera pas le parquet de requérir des peines de prison ferme et des mandats de dépôt ».
S’ils volent, c’est pour « s’occuper ». « A Thio, il n’y a rien et c’est dur les démarches. La Mij [Mission d’Insertion des Jeunes, NDLR], elle pinaille », affirment-ils. Tous trois devaient pourtant intégrer l’Académie mécanique en février prochain, une formation proposée par la province Sud. Mais deux des trois apprentis mécanos ne pourront pas suivre cette chance de rebondir. Ils ont été sanctionnés de 15 mois et de 20 mois de prison ferme avec mandat de dépôt. Le troisième s’en est sorti avec 12 mois de prison dont 4 mois avec sursis probatoire.
Jean-Alexis Gallien-Lamarche