En démocratie, gagner une élection demande beaucoup de savoir-faire et encore plus quand il s’agit d’un referendum, en Australie, à propos de la place des Aborigènes.
Alors qu’il y a quelques mois les sondages prédisaient la victoire du oui, c’est le non qui a gagné pour une raison simple : les électeurs se sont aperçus qu’ils ne savaient pas exactement sur quoi ils se prononçaient tant une partie de la question était vague. Jugez plutôt. Ils devaient approuver ou refuser qu’une loi « modifie la Constitution pour reconnaître les premiers peuples d’Australie en créant une Voix aborigène ». Cette question en portait deux en réalité: la reconnaissance constitutionnelle des Peuples Premiers qui faisait consensus et la création d’une « Voix », soit une commission élue dans le Parlement, ou à côté, sur laquelle il y avait interrogation y compris parmi les juristes en désaccords sur ses conséquences institutionnelles et judicaires. Donc, un oui mais pour deux éléments politiques différents. En politique, il arrive qu’on ne sorte de l’ambiguïté qu’à son détriment, selon la formule célèbre.
Néanmoins cet échec est prometteur. Vue depuis la terrible histoire des relations entre les tribus aborigènes et les non-aborigènes, les 40% de oui sont un signe de plus d’unité entre tous les Australiens d’aujourd’hui. Par exemple, Canberra, Melbourne, Brisbane-ville, Sydney-ville et Hobart ont voté oui. Dans le nord du pays, une forte minorité des Aborigènes – dont deux sénatrices élues – a voté non parce qu’ils veulent un accord fédéral distinct de l’actuelle Constitution qui y serait adjoint, comme l’Accord de Nouméa dans la Constitution française. Enfin, la victoire du non va relancer les négociations sur les accords entre les Aborigènes et chaque Etat. C’est déjà signé en Tasmanie et dans le Victoria ! Et en cours d’adoption au Queensland, en Australie du Sud et dans les Territoires du Nord. En attendant mieux.