Une semaine après l’interception du navire SM Dante au large de la Nouvelle-Calédonie, qui cachait dans ses cales 2,5 tonnes de cocaïne pour le marché australien, des questions demeurent sur les narcotrafiquants présumés et l’organisation criminelle dont ils seraient les exécutants.
Une traque de cinq jours en haute mer qui en valait la peine. En début de semaine dernière, les autorités françaises reçoivent « un tuyau » d’une source extérieure. Alors en mission au Vanuatu, le patrouilleur outre-mer (POM) Auguste Bénébig est rappelé d’urgence à Nouméa où il embarque des renforts de fusiliers marins et des douaniers. Après cinq jours de traque en mer et dans les airs – un avion Gardian a été engagé –, le navire SM Dante est localisé dans des conditions de mer très difficiles.

« Nous avons pris en chasse le bâtiment suspect à partir du 21 juin sans que nous soyons détectés. Nous avons attendu une fenêtre météo favorable pour monter à bord. Il y avait des creux de 1,5 à 2 mètres. L’opération était délicate », révèle le général Yann Latil, commandant supérieur des Forces armées de Nouvelle-Calédonie. Lorsque les autorisations légales sont obtenues par les autorités judiciaires, le feu vert est donné aux militaires. Au petit matin du 25 juin, une embarcation légère fonce tout droit sur le SM Dante. Les narcotrafiquants présumés, cinq Équatoriens et deux Portugais, sont coopératifs. Au fond des cales, la drogue est découverte. Le cap est alors mis sur Nouméa.
« Une nouvelle route »
Sous la solide garde des fusiliers marins, la carcasse bleu et blanche du SM Dante est remorquée. L’opération s’avère difficile car le navire est en mauvais état, d’autant que « l’équipage a tenté de le saboter » lorsqu’il a été arraisonné par les Forces armées. « Je ne vais pas entrer dans les détails mais lorsqu’ils se sont sentis cernés, ils ont essayé de simuler une avarie pour retarder les opérations. Ils ont notamment saboté le moteur et les hélices », détaille le général Latil. Ce n’est que le dimanche, en toute fin de journée, que le SM Dante arrive au port de Nouméa.

« C’était totalement inédit, il a fallu en urgence déployer un dispositif sécuritaire hors norme avec les policiers du Raid et de la voie publique. Nous avons monté un commissariat directement sur le port pour prendre en charge les suspects, qu’on nous avait décrits comme dangereux, voire très dangereux », décrit Marjorie Ghizoli, directrice territoriale de la police nationale (DTPN), avant de saluer « les enquêteurs qui se sont relayés, jour et nuit, et avec les interprètes, pour assurer un travail colossal d’auditions et de vérifications, pendant le temps de la garde à vue qui a duré 96 heures ». La précieuse marchandise, conditionnée en cinquante-et-un ballots d’une cinquantaine de kilos de poudre d’une grande pureté, a été déchargée à la base navale avant d’être détruite dans les fours de la SLN.
Cette spectaculaire saisie prouve que le Pacifique Sud est une zone désormais privilégiée par les puissants cartels sud-américains. « C’est clairement une nouvelle route et ce serait une erreur stratégique de penser que les territoires du Pacifique sont épargnés par cette menace, compte tenu du niveau de stock des grands pays producteurs qui veulent l’écouler par tous les moyens », abonde Cédric Rollet, le directeur des douanes de Nouvelle-Calédonie.

Légende photo : Alors en mission au Vanuatu, le patrouilleur outre-mer (POM) Auguste Bénébig a été rappelé d’urgence à Nouméa où il a embarqué des fusiliers marins et des douaniers. Le 25 juin, les militaires arraisonnent le SM Dante dans les eaux internationales. Les narcos n’arriveront jamais en Australie.
Jean-Alexis Gallien-Lamarche