Si sa situation reste précaire, la SLN note des signes d’amélioration. Jérôme Fabre, le directeur de la SLN, estime « avancer dans le bon sens » et entrevoit un horizon plus clément. Entretien.
En quelques semaines, plusieurs « nouvelles » sont venues remonter le moral de la Vieille Dame, constamment au bord du précipice.
Un prêt et un effacement de dettes
Eramet avait annoncé un prêt de l’État de 7 milliards de francs pour sauver sa filiale SLN. La somme a déjà été versée sur le compte de l’entreprise, a confirmé Jérôme Fabre, le directeur général de la SLN. De quoi assurer sa survie jusqu’au mois d’avril. Par ailleurs, l’État vient de trouver un accord avec Eramet afin d’alléger le poids de la dette de la SLN. « C’est une décision très positive de la part d’Eramet et de l’État qui renforce le bilan de la SLN, et ce faisant, celui d’Eramet. Une décision prise dans notre intérêt pour nous permettre d’avancer vers la continuité d’activité », a-t-il commenté. Une véritable bouffée d’oxygène pour la Vieille Dame qui n’avait pas un franc en poche pour rembourser les quelque 77 milliards de francs de prêts accordés conjointement par l’État et la SLN depuis 2016. Sa dette désormais effacée, la SLN se retrouve libérée de ses engagements financiers.
La SLN vise la continuité d’activité
« C’est rassurant pour nos salariés et nos sous-traitants, et par effet de ricochet pour l’économie calédonienne. Pour autant, ce n’est qu’une étape, car ça ne résout pas tous nos problèmes », a tenu à préciser Jérôme Fabre, qui espère d’ici le 10 avril « sortir de la procédure de conciliation » engagée en novembre 2023. D’ici là, plusieurs problèmes d’ordre financier et comptable doivent être réglés par l’entreprise. « Il y a le sujet du besoin de financement complémentaire pour qu’on puisse tenir plus longtemps, et on aura besoin de garanties financières pour la conformité au code minier et au code de l’environnement. Notre situation financière ne nous permet pas de les apporter, donc c’est Eramet notre maison-mère qui nous prête son bilan ». Jérôme Fabre espère sortir de la procédure de protection du tribunal « avec un accord de continuité d’activité, qui nous donne au moins une visibilité à 12 mois et nous permette de nous projeter dans des projets et des investissements ». Car aujourd’hui, tous les investissements ou presque sont gelés. Par ailleurs, la SLN a suspendu ses versements de cotisations sociales à la Cafat depuis plusieurs mois. Le passif de la société (50 % gouvernement/ 50 % Cafat) s’élevait à 1,2 milliard de francs à fin décembre et devrait atteindre près de 4,4 milliards de francs d’ici fin mars. Une somme que la SLN prévoit de rembourser « plus ou moins rapidement ». Comme l’a rappelé le directeur, « c’est un travail juridique, financier et comptable sans vraiment de lien avec le pacte nickel », que la SLN doit mener seule.
Le pacte nickel, un bonus
Le directeur général espère toutefois une signature rapide de l’accord, qui sera « un plus » pour l’entreprise. D’autant qu’il en convient : « l’incertitude sur le pacte nickel ne facilite pas les discussions sur nos affaires personnelles ». Le business plan de la société diffère considérablement « avec ou sans pacte ». Le métallurgiste électro-intensif compte d’ailleurs sur le pacte pour obtenir une subvention-énergie, sachant que l’énergie est le sujet qui le tire aujourd’hui « le plus vers le bas ». Cette contribution, cofinancée par l’État et les collectivités calédoniennes, lui permettrait de jouer davantage à armes égales avec ses concurrents internationaux.
La SLN espère aussi par le biais du pacte un meilleur « accès à la ressource ». Elle peine aujourd’hui à obtenir ou renouveler certaines autorisations d’exploitation (permitting). Ce qui finit par peser sur l’activité du minier et ses teneurs en nickel. C’est notamment le cas sur son site de Népoui, où en 2024 la SLN anticipe une perte de production potentielle de 25 %, à défaut d’obtention des autorisations nécessaires. Des freins à l’extraction qui impactent par ailleurs la production de l’usine de Doniambo. « La teneur moyenne enregistrée en février 2024 a été de 2,06, le 2e pire mois pour la SLN », commente Jérôme Fabre qui appelle les signataires du pacte à la responsabilité. « S’il n’y a pas de perspectives de retour à l’équilibre, et pas de volonté de sauver l’industrie minière et métallurgique, il faut être clair, les trois usines vont fermer », assure-t-il.
Beryl Ziegler