Salle comble, lundi matin au tribunal correctionnel de Nouméa, pour juger l’affaire de la grave dégradation du nouveau complexe de BMX.
Un incendie volontaire comme baptême du feu. Jacques Billant, nouveau Haut-commissaire, n’est pas près d’oublier ces faits à Tina, survenus quelques heures seulement après son arrivée en Calédonie. C’est ce qu’il rappelait, trois jours après, assis dans un véhicule blindé sophistiqué (un Centaure) et d’une voix enrouée (en raison, confiait-il, de la climatisation au Sheraton Deva pendant les trois jours de conclave politique qui n’ont débouché sur aucun accord).
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Quatre jours plus tard encore, lundi, cette dégradation d’un Algeco de la nouvelle piste de BMX à Tina, qui a marqué les esprits des habitants et ceux des autorités, s’est retrouvée au programme d’une audience correctionnelle pleine à craquer, à l’image de la salle (celle de la Cour d’appel, les deux autres étant occupées par le procès de Calédonie ensemble et par la session d’assises). Face à cette affluence, les policiers, assurant la sécurité, ont dû recaler du monde, façon boîte de nuit, ambiance électrique plus que festive. Cela a conféré à cette audience une atmosphère intimiste. Le moment pour le prévenu, arrivé sous escorte, de se confier. Large t-shirt blanc, chevelure encore plus large, à peine 20 ans, vivant chez son père, il s’est rapidement retrouvé submergé par l’émotion. Il lui a fallu près de deux minutes pour reprendre ses esprits, et s’expliquer.
« La faute des policiers »
Face aux juges du tribunal correctionnel de Nouméa, Hilarion W. reconnaît avoir mis le feu à la construction modulaire Algeco de la toute nouvelle structure de BMX de Tina, en marge d’une intervention des forces de l’ordre dans le squat voisin. Cette nuit-là, il était accompagné de sa petite sœur (dénoncée par un témoin, elle s’est d’abord accusée pour protéger son frère qui était sous le coup d’un sursis, avant que son stratagème soit déjoué). Un cousin était là aussi.
À la barre, l’incendiaire tente d’expliquer son geste : « Si les policiers n’étaient pas intervenus, je n’aurais pas brûlé l’Algeco. C’est la faute des policiers », assène-t-il.
Les magistrats cherchent à comprendre les motivations du jeune homme. La présidente souligne les écarts entre les versions recueillies au cours de l’enquête et celle livrée par le prévenu : elle parle de « grosses différences ». Lui insiste : il aurait vu ni jets de projectiles sur les policiers, ni comportement violent de la part des jeunes. « Ce sont les policiers qui ont tiré sans sommation des lacrymogènes » et avec « des flashballs vers les gens du squat ».
Son avocate, Me Christelle Affoué, pointe elle aussi l’intervention des forces de l’ordre, qu’elle qualifie de « disproportionnée », évoquant des tirs ayant « détruit des habitations », témoignages et photos à l’appui. Elle défend l’idée d’un geste de diversion, malheureux, mais destiné à éloigner les forces de l’ordre du squat de Tina. La justice « reproche des dégradations, mais les premières ont été commises sur les habitations de Tina, par les forces de l’ordre », plaide-t-elle.
Interrogé sur les conséquences de son acte, le prévenu peine à se projeter : « Si je vais en prison, je ne pourrai pas payer », répond-il à la question de la juridiction sur la réparation du préjudice. La présidente rappelle qu’il avait déjà bénéficié d’un sursis probatoire, lui permettant de chercher du travail mais n’a pourtant pas indemnisé la partie civile.
Nicolas Kerfridin, représentant du parquet à l’audience, dépeint un jeune homme « dépassé par la colère », qui a délibérément allumé un rideau à l’aide d’un briquet. Le vice-procureur dit regretter, une fois de plus, l’absence de caméras sur l’équipement des forces de l’ordre, ce qui aurait permis d’éviter les longs débats au tribunal, avec des versions difficiles à vérifier. Il requiert six mois de prison ferme et autant avec sursis, et suggère un aménagement de la peine en semi-liberté.
« Gentil garçon »
Le parcours personnel du prévenu a été évoqué. Père d’un nourrisson de 9 mois, Hilarion W. suit actuellement une formation d’agent de sécurité. Son casier judiciaire mentionne, par le passé, des faits de violence avec arme et de vol. À la barre, son père témoigne, au sujet de son fils, de son attachement familial et d’un parcours heurté par les difficultés économiques. « C’est un gentil garçon, je regrette sincèrement qu’il ait commis cet incident. Aujourd’hui il a sa propre famille, sa fille, sa copine », déclare-t-il.
Dans ses derniers mots, le prévenu exprime ses regrets : « Je m’excuse pour ce que j’ai brûlé ». Le tribunal l’a reconnu coupable de dégradation grave par incendie. Il a été condamné à dix-huit mois de prison, dont huit avec sursis. Les dix mois fermes seront purgés en semi-liberté, sous réserve de l’avis favorable du juge d’application des peines. Le mis en cause devra également suivre des soins et indemniser la Direction de la jeunesse et des sports de la province Sud, qui est partie civile. Avant de quitter la salle, escorté par les forces de l’ordre où il est en détention provisoire, Hilarion W. prend quelques instants pour enlacer tendrement son bébé dans les bras de sa compagne. Il a ensuite été ramené au Camp-Est.
A.F. et C.R.-P.
Extincteurs préservés
Pourquoi Hilarion W. a-t-il sorti les extincteurs (a priori, trois) du local avant d’y mettre le feu ? Son action interroge autant la présidente du tribunal que le vice-procureur. Le mis en cause se défend en expliquant qu’il était complètement ivre (il fêtait un anniversaire au squat) et qu’il a extrait les extincteurs pour ne pas qu’ils explosent au contact prolongé des flammes : il assure qu’il voulait éviter une propagation de l’incendie. Dommage, lui fait-on remarquer : il avait là, sous la main, de quoi éteindre l’incendie qu’il venait de déclencher par colère et vengeance, après minuit dans la nuit du samedi 3 au dimanche 4 mai.
Un coup de briquet qui coûte cher
Combien le coupable devra-t-il payer à la Direction de la jeunesse et des sports de la province Sud en réparation des dégâts ? L’institution n’a, pour le moment, pas été en mesure de donner un montant exact, d’où sa demande (qui a été acceptée) d’un renvoi du dossier sur intérêts civils. La première estimation du préjudice est comprise entre 8 et 10 millions de francs.