Lundi 12 mai, à l’occasion de la Journée internationale des infirmières, la présidente de la province Sud, Sonia Backes, s’est rendue au Centre de la santé de la famille Lucie-Lods, à Montravel. Entourée de soignants, elle y a signé la Charte pour le changement.
Ce texte, porté par le Conseil international des infirmières, appelle à valoriser, protéger, respecter et investir dans les infirmières à travers dix engagements concrets. Une reconnaissance symbolique, mais aussi un point de départ pour des actions plus profondes, espèrent les professionnels. « C’était important de les remercier aujourd’hui. Au-delà de ça, de parler de leurs conditions de travail, de les écouter », a affirmé Sonia Backes en marge de la cérémonie. Un hommage appuyé, notamment au regard de l’engagement exceptionnel des infirmiers pendant les émeutes de mai 2024, où ils ont continué à assurer les soins malgré les barrages, l’insécurité et les trajets dangereux. Certains ont dû dormir sur place, enchaînant les gardes dans des conditions extrêmes.
Une reconnaissance institutionnelle
En signant cette charte, la province Sud entend « accompagner le personnel soignant dans sa formation, dans ses conditions de travail », a précisé Sonia Backes. Un engagement non contraignant, reconnaît-elle, car « ce sont des engagements qui ne sont pas précis parce que ça dépendra de chaque collectivité ».
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Les compétences en matière de grilles salariales relèvent par exemple de la Nouvelle-Calédonie, et le financement des infirmiers libéraux de la CAFAT. Néanmoins, « l’idée c’est un engagement d’accompagner », insiste la présidente. Cette charte intervient dans un contexte critique. Selon les estimations officielles, il manque actuellement 216 infirmiers sur le territoire, une pénurie aggravée par la crise de 2024. Pour y faire face, la province Sud a adopté en avril un plan d’action baptisé Sud Santé, décliné autour de quatre axes : des aides à l’installation pour les infirmiers recrutés dans le privé, une aide à la mobilité pour les stagiaires, des bourses pour les étudiants en soins infirmiers, et la promotion des filières IDE (infirmiers diplômés d’État).
« Un geste capital »
Pour François Delbois, infirmier libéral et vice-président de l’Alliance des infirmières calédoniennes (ADIC), cette signature est loin d’être anodine : « Important, ce n’est pas le mot. C’est capital et c’est symbolique ». Il insiste sur la nécessité de « rendre visibles » ces professionnelles souvent invisibilisées, y compris dans les instances décisionnelles : « Si les infirmières ne font pas partie des organes décisionnels, ça ne fonctionne pas ». Le message est clair : la reconnaissance doit s’accompagner d’actes. « Maintenant, ce qu’on attend, ce sont des actes. Les solutions sont présentées, elles sont très concrètes, elles sont datées, elles sont budgétisées », martèle-t-il. Il appelle à une approche transpartisane, à la création d’une cellule de pilotage professionnelle et indépendante, et à l’adaptation du cadre législatif pour attirer et retenir les soignants.
Les dix engagements de la Charte
La Charte pour le changement, signée ce 12 mai par la présidente de la province Sud, propose une feuille de route claire pour renforcer la profession infirmière et améliorer les systèmes de santé. Elle s’articule autour de dix engagements que les décideurs publics et employeurs sont invités à mettre en œuvre. Il s’agit d’abord de reconnaître les soins infirmiers comme un investissement essentiel à la santé publique et au développement, et non comme un simple poste de dépense. La charte appelle ensuite à garantir des conditions de travail sûres, en protégeant la santé physique et mentale des soignants et en luttant activement contre la violence dans les établissements. Troisième pilier : la revalorisation salariale et l’amélioration des conditions de travail, pour attirer et fidéliser les professionnels. À plus long terme, les signataires s’engagent à atteindre l’autosuffisance en effectifs infirmiers, via une planification rigoureuse et une mobilité internationale encadrée. La formation est également au cœur du texte, avec un objectif clair : former davantage d’infirmiers, dans des cursus de qualité, adaptés aux besoins évolutifs. La charte encourage en parallèle le déploiement de modèles de soins dirigés par des infirmiers, notamment dans les domaines de la prévention, des soins primaires et à domicile. Elle insiste aussi sur la nécessité de valoriser les compétences et le rôle scientifique des infirmières, en les intégrant aux prises de décisions dans les politiques de santé. Cela suppose de travailler étroitement avec les associations d’infirmières, en les reconnaissant comme partenaires institutionnels à part entière. Enfin, deux engagements transversaux viennent compléter l’ensemble : l’intégration des principes d’égalité, de justice sociale et de respect des droits humains, et la promotion du leadership infirmier, en nommant davantage d’infirmières à des postes à responsabilité dans les systèmes de santé.
Claire Rio-Pennuen
À concrétiser
Si les mesures annoncées dans le plan Sud Santé vont dans le sens de plusieurs de ces engagements, notamment sur l’attractivité et la formation, les professionnels attendent désormais une mise en œuvre rapide et visible. « Un quart des soignants sont traumatisés. Si on ne fait rien pour eux, si on ne reconnaît pas leur engagement, si on ne change pas les lois, s’il n’y a pas d’actions concrètes, il n’y aura plus de soignants », alerte François Delbois. Il évoque aussi la nécessité d’intégrer les infirmiers dans les dynamiques de santé publique, y compris sur les enjeux d’égalité : « Prendre soin de nos soignants, c’est prendre soin aussi de l’égalité hommes-femmes ». Avec cette charte, la province Sud pose un acte fort. Reste à voir si les autres collectivités et institutions suivront. « Il s’agit de nos enfants, nos parents, nos conjoints », conclut le vice-président de l’ADIC. « Notre santé, c’est notre bien commun. »
À venir
Jeudi à 11 h à la FOL, à Nouméa, « Claude Gambey, membre du gouvernement chargé de la Santé, participera à la cérémonie de remise des diplômes de la promotion février 2022 des infirmiers diplômés d’État (IDE) », annonçait l’exécutif lundi midi.