Ça n’est pas tant de cette nuit dantesque du 13 mai dont il faut se rappeler, mais de ce 14 mai au matin, lorsqu’hébétés par une nuit d’angoisse et de peur sans sommeil, les oreilles bourdonnantes du bruit des explosions, des tirs et des insultes assénées par des hordes déchaînées, la Calédonie constatait son effondrement. Ce n’est pas un « anniversaire » qu’il faut commémorer, mais un douloureux souvenir ancré durablement dans nos mémoires. Une violence dont les plaies ne sont pas refermées, et dont l’objectif était, non seulement de tout détruire, mais d’arracher l’indépendance la haine à la main. Mais de ce 13 mai ne demeurent pas que les souvenirs, il reste une économie en ruine, une population appauvrie, des perspectives inquiétantes et une société d’huile et d’eau. Certains voudraient bien oublier, mais les stigmates sont encore trop visibles et présents pour que l’on glisse sous le tapis la poussière des exactions. Mais pire, d’autres veulent faire du 13 mai l’an I de la Nouvelle-Calédonie, balayant tout ce qui avait été construit et sur lequel reposaient nos espoirs d’avenir, pour nous conduire à ce futur que les émeutiers voulaient nous imposer. Un an maintenant que nous avons jeté à la mer les cendres d’une Calédonie, certes imparfaite, mais qui croyait possible encore un destin commun. Un an après, la Nouvelle-Calédonie porte encore le deuil, et saoulée d’incertitudes, cherche comme une moribonde, la lumière au bout du tunnel.
Nicolas Vignoles
* « Pleure, ô pays bien-aimé », roman d’Alan Paton 1948