Trois écoliers de 8 et 10 ans avaient été blessés par des jets de pierre dans la cour de récréation de l’école catholique de Dumbéa, le 22 octobre. « Mon fils a été traumatisé », a témoigné un père de famille. Les deux prévenus ont été incarcérés.
Aujourd’hui, « il va mieux » mais les dernières semaines ont été « compliquées. Il a été traumatisé, il avait du mal à dormir ». Visage fermé, mâchoire serrée, un père de famille s’avance à la barre du tribunal correctionnel de Nouméa. « Tournez-vous vers nous, c’est au tribunal que vous devez parler », demande la présidente alors que l’homme fait face aux agresseurs de son fils de 10 ans. « Quand la secrétaire de l’école nous a appelés pour nous dire ce qui s’était passé, j’étais colère. Je voulais vous retrouver pour finir avec cette histoire. Nous, on travaille dur. Et vous, il va falloir arrêter les conneries maintenant », prévient-il, d’un ton qui ne donne pas envie de plaisanter.
Le 22 octobre dernier, à la pause de midi, trois enfants âgés de 8 et 10 ans ont été atteints par des pierres et blessés à l’épaule, au genou et au triceps alors qu’ils jouaient aux billes dans la cour de récréation de l’école catholique de Dumbéa-sur-Mer. Des enfants agressés au sein d’un établissement scolaire, c’est rarissime. Cela avait provoqué une vague d’indignation parmi les Calédoniens et les responsables politiques du gouvernement et de la province Sud. Deux mois après les faits, deux suspects de 18 ans ont été confrontés à la justice mardi matin.
« Une vengeance ? »
Depuis le début de la procédure, Alexis C. et Yaël B., des copains de quartier, tergiversent dans leurs déclarations. « C’était pour embêter les personnes qui travaillent dans l’école. Les pierres étaient plus grosses que mes poings », avait affirmé le premier dans ses auditions. Au tribunal, il explique désormais qu’il voulait « voir jusqu’où je pouvais lancer des cailloux ». Une autre fois, il avait également affirmé avoir voulu s’en prendre à une caméra de vidéosurveillance installée devant l’établissement. Il a jeté trois pierres. Puis, cinq ou six. « Mais quand on lance un caillou, il retombe… Vous avez pris le risque de blesser des personnes », lui fait remarquer la présidente. Elle n’obtiendra aucune réaction des prévenus.
Yaël B. a fait preuve de davantage de constance. En garde à vue, il a, d’abord, gardé le silence longtemps. Avant de nier en bloc les accusations. Devant les magistrats, il a gardé la même ligne, proclamant son « innocence» et chargeant son copain qui « a des problèmes dans sa tête ». « Si vous regardez mon palmarès, vous verrez que je ne suis pas un canardeur d’école », se défend le jeune homme. Jusqu’au bout, il a tenté d’éluder sa responsabilité. Tout juste a-t-il affirmé avoir jeté un « coquillage blanc » sur « un lampadaire déjà cassé ». Problème : des personnes l’ont reconnu en train de zoner devant l’école depuis le matin. « C’était pour profiter du wi-fi gratuit dans le parc en face », dit-il. On lui rappelle qu’il avait cambriolé l’école quatre plus tôt et qu’il avait été interpellé. « C’était une vengeance ? », s’interroge la présidente. Avachi sur la vitre du box, le jeune homme, souffle, « pas du tout, ce ne sont pas des représailles. J’aurais attendu la directrice à la sortie de l’école sinon ».
« Il se moque du mal qu’il fait »
Le procureur Richard Dutot en est pourtant convaincu. « Ils s’en sont pris à l’école car la directrice avait porté plainte pour le vol quelques jours plus tôt. Ils ont choisi le moment où les 260 élèves se trouvaient dans la cour. Et ce n’étaient pas des cailloux, mais des pierres. On en a retrouvé une : elle pesait plus d’un kilo ». Le parquetier revient sur les antécédents des deux prévenus. Alexis C. a déjà été condamné à dix reprises par le tribunal pour enfants. L’expert psychiatre a conclu à une « personnalité dissociable » et « présente un état dangereux sur le plan criminologique ». Quant à Yaël B., « il empoisonne la vie des gens du quartier. Il se moque du mal qu’il fait aux victimes ».
La défense critique les investigations menées par les gendarmes qui seraient « uniquement à charge ». « Yaël B. dit qu’il n’a rien fait depuis le début, des témoins disent la même chose et personne ne veut les écouter », plaide Me Christelle Affoué. Alexis C., lui, « visait le toit de l’école comme un idiot. C’est grave et il en a honte ». Les deux jeunes, poursuit l’avocate, « ont entendu la consternation et la colère légitime des parents ». Après en avoir délibéré, la juridiction a condamné Alexis C. à un an de prison ferme et Yaël B. à dix-huit mois de prison ferme. Une incarcération immédiate a été prononcée. Ils devront verser 120 000 francs aux parents d’un enfant blessé au titre du préjudice moral. À sa sortie de détention, Yael B. aura l’interdiction de paraître aux abords de l’école catholique de Dumbéa pendant deux ans.
Jean-Alexis Gallien-Lamarche