L’Assemblée nationale a fait tomber le gouvernement et la France va en ramasser les morceaux. Un vote de censure n’étant pas si fréquent sous les cieux de la Ve République, que l’on qualifie allègrement l’épisode « d’historique ». Une nouvelle fois notre propension française à amplifier le sens des mots est à l’œuvre. Il n’y a pas grand-chose d’historique dans cette affaire, mais bien plutôt de la désolation. Dans une France divisée, économiquement ratiocinée et politiquement fragile, certains n’ont donc pas hésité à rajouter du chaos à l’instabilité. Par ses conséquences, comme par le symbole qu’elle véhicule, cette motion de censure signe la mort de notre République qui donnait la prééminence aux acteurs au détriment de la politique des partis. Avec cette censure, le régime change d’âme, mais surtout de nature, l’heure est à la petitesse oubliant la grandeur et la nécessité du salut public. « Chacun va donc maintenant faire chauffer sa petite soupe, sur son petit feu, dans sa petite marmite, et dans son petit coin, en s’imaginant vivre des jours tranquilles » *. Avec cette censure, la France connait sa pire crise depuis le putsch d’Alger, et rien ne nous permet de savoir ce qu’il va en sortir. « L’action, ce sont des hommes au milieu des circonstances », écrit encore le général de Gaulle dans « Le fil de l’épée » (juillet 1932). Voilà maintenant les circonstances, mais où est l’action et où sont les hommes qui sauront la mener ?
* Général de Gaulle à Alain Peyrefitte, cité dans « C’était de Gaulle ».
Nicolas Vignoles