Un homme a écopé de 18 mois de prison ferme pour avoir poignardé l’un de ses amis à Dumbéa, en février 2023. Sous curatelle et en rupture de traitement à l’époque des faits, « il voulait tuer des gens ». Ce que l’intéressé a confirmé devant le tribunal correctionnel.
Sans un ultime réflexe, il aurait eu la gorge tranchée par la lame d’un couteau. Le 17 février 2023, un homme de 27 ans a frôlé la mort. Un peu plus d’un an et demi plus tard, il a pris place sur le banc des parties civiles du tribunal correctionnel de Nouméa, mardi matin, à quelques mètres de celui qui était, à l’époque, son meilleur ami et qui a suivi le procès dans le box des prévenus.
Ce jour de février 2023, le Médipôle informe les gendarmes qu’un homme vient de se présenter avec une grave blessure au visage, vraisemblablement causée par une arme blanche. Les enquêteurs apprennent alors qu’une dispute a éclaté un peu plus tôt dans la journée entre la victime et son meilleur ami, David N. dans un appartement de Dumbéa. D’après les témoignages recueillis, David N., 24 ans, n’aurait pas apprécié que son ami « parle et rigole » avec sa sœur et aurait « vu noir », jusqu’à décider de s’emparer d’un couteau de cuisine, de revenir dans le salon, de le faire chuter au sol et de « le piquer » au cou. Au dernier moment, la victime aurait tourné la tête sur le côté, ce qui lui a sauvé la vie. La lame du couteau s’est alors plantée près de l’oreille, occasionnant une plaie « sans lésion majeure ». « Il s’en sort bien… Ça aurait pu être dramatique », souligne la présidente.
« Un danger pour lui et autrui »
Une scène absolument terrifiante que la justice a, dans un premier temps, définie comme une tentative de meurtre. « J’étais à bout de nerfs. Je ne dormais plus. J’entendais des voix », raconte David N. qui était, à l’époque, « en rupture de traitement ». Sous curatelle renforcée, le jeune homme avait rencontré la victime au CHS de Nouville trois ans plus tôt. Ils avaient sympathisé et, à leur sortie de l’hôpital psychiatrique, avaient continué à se voir et à s’entraider. Au moment des faits, ils vivaient tous les deux chez une femme qui se souvient de « l’ambiance tendue » qui régnait chez elle. Un mois plus tôt, le prévenu avait étranglé sa sœur parce qu’elle ne voulait pas éteindre la musique sur la terrasse. Il l’avait maintenue si fort par la gorge qu’il avait réussi à la soulever du sol. Il s’était, là encore, muni d’un couteau, menaçant sa sœur de la poignarder.
La personne qui les logeait avait assuré que David N. « voulait tuer des gens », ce qu’il a confirmé devant la juge d’instruction et le tribunal correctionnel. Au cours de l’information judiciaire, deux expertises psychiatriques ont été ordonnées, concluant à « une altération du discernement » et à « un potentiel de récidive important » chez cet homme atteint de « troubles de la personnalité de type psychopathique ».
Le procureur de la République évoque « un contexte de colère irrépressible » pour « des motifs ineptes » de la part d’un jeune homme qui « reconnaît son intention d’homicide » sur son ami, « un compagnon de galère ». « Il présente un danger pour lui et autrui », affirme encore le représentant du ministère public qui requiert trente mois de prison dont douze mois avec sursis probatoire et un maintien en détention.
« Un dossier d’une tristesse infinie »
L’avocate Me Barbara Brunard, qui défend les intérêts de la victime poignardée, rappelle que « la tentative de meurtre était parfaitement constituée. Nous avons accepté la correctionnalisation de ce dossier mais cela ne dénature pas la gravité de cet acte ». Critiquant « la faiblesse de l’ITT [deux jours, NDLR] », l’avocate demande une indemnisation de 600 000 francs pour un homme « qui a failli y laisser la vie » pour « une phrase qui n’a pas plu » à son agresseur qui a « visé une zone vitale ». « Il ne prenait pas son traitement volontairement », renchérit Me Barbara Cauchois qui représente la sœur du prévenu.
De l’autre côté de la barre, on évoque « un dossier d’une tristesse infinie » dont les protagonistes ont subi des « parcours de vie chaotiques ». Abandonné par ses parents et placé en famille d’accueil dès l’âge de deux ans, le prévenu a vécu sa première hospitalisation au CHS dès l’enfance. « Sa colère vient de son enfance et des abus qu’il a subis. Il veut aujourd’hui porter plainte contre son père et cela participera sûrement à sa reconstruction. Ce n’est pas au Camp-Est qu’il sera soigné correctement ».
Après en avoir délibéré, la juridiction a suivi les réquisitions du procureur. David N. devra verser 600 000 francs à son ancien meilleur ami et 250 000 francs à sa sœur.
Jean-Alexis Gallien-Lamarche