D’après nos informations, un policier de la Direction territoriale de la police nationale de Nouméa a été placé en garde à vue pour avoir dérobé des scellés et les avoir revendus sur Internet.
C’est une affaire qui suscite le plus vif embarras au sein de la police judiciaire de Nouméa. D’après nos informations, confirmées par plusieurs sources judiciaires, un policier de la Direction territoriale de la police nationale (DTPN), affecté au service de police judiciaire (STPJ), est au cœur d’un dossier d’une sensibilité rare, qui éclabousse l’institution.
Au terme d’une enquête menée dans la plus grande confidentialité, un brigadier-chef a récemment été placé en garde à vue dans les locaux du commissariat central de Nouméa pour répondre du délit de « détournement de biens placés sous main de justice ». S’il n’a pas immédiatement reconnu les soupçons qui pesaient sur lui, le procureur ayant même été contraint de prolonger les auditions pour un délai supplémentaire de vingt-quatre heures, le fonctionnaire a fini par céder et reconnaître l’ensemble des faits qui lui étaient reprochés. Contacté, le parquet de Nouméa nous a confirmé l’information.
L’affaire commence de manière quelque peu rocambolesque. Les policiers reçoivent le signalement du directeur d’un magasin de pêche. L’informateur signale que ses employés ont découvert des annonces Facebook (sur la plateforme Marketplace) proposant à la vente des articles de pêche haut de gamme et en parfait état. Les salariés sont alors intrigués par ces cannes, moulinets et boîtes d’hameçons qui ressemblent fortement à ceux qu’ils vendent dans leur boutique qui a été pillée et incendiée pendant les émeutes. Les soupçons se confirment lorsqu’ils s’aperçoivent que « le montage » du matériel – la manière d’assembler la ligne du moulinet, etc… – est identique à celui pratiqué par les salariés.
Des biens voués à la destruction
Se faisant passer pour un acheteur lambda, le chef d’entreprise décide alors de contacter le vendeur pour en savoir davantage sur ces articles vendus. D’autant que les prix pratiqués sont bizarrement extrêmement attractifs : « il y avait un article dont le prix affiché était de 60 000 francs alors qu’il pouvait être vendu 120 000 francs dans des magasins de pêche », dévoile une source proche de l’enquête. « Cela ne semblait pas être la première fois que des annonces étaient publiées. On pouvait aussi trouver un moulinet vendu 60 000 francs alors qu’il en vaut le double. Forcément, parmi les connaisseurs de ce milieu, ça intrigue. » Mais à la dernière minute, le rendez-vous est subitement annulé par le vendeur, sans aucune explication, de quoi renforcer les suspicions du responsable du magasin, qui décide d’alerter la police. Une enquête est alors ouverte et les investigations des policiers du service de police judiciaire vont alors permettre d’identifier le profil Facebook… d’un collègue.
Une découverte qui va provoquer la stupeur dans les rangs de l’institution. Au fil des jours, les enquêteurs acquièrent la certitude que le brigadier-chef, venu de Métropole et actuellement sous contrat pour trois ans, a réussi à déjouer la surveillance de ses collègues et qu’il a récupéré des biens saisis dans le cadre de procédures judiciaires.
Concrètement, il se serait servi dans un container où sont entassés les objets saisis au cours des perquisitions et dont il a été impossible de déterminer les propriétaires. Certes voués à la destruction, ces biens sont « placés sous main de justice » et il est formellement interdit aux fonctionnaires de police de les conserver. Les investigations n’auront, en revanche, pas permis d’établir si le suspect était à son premier coup d’essai ou non.
Une condamnation… mais pas de casier
Une fois les auditions de garde à vue terminées et une perquisition menée au domicile du policier, le parquet de Nouméa a décidé de le déférer au palais de justice, signe que le dossier n’a pas été pris à la légère. Le procureur de la République a fait le choix de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), une procédure discrète et rapide. Jugé pour le délit de « détournement de biens placés sous main de justice », l’OPJ a accepté la peine proposée par le ministère public de quatre mois de prison avec sursis. Le procureur a également accepté que cette condamnation ne figure pas au bulletin numéro 2 de son casier judiciaire.
Les ennuis ne sont toutefois pas terminés pour le brigadier-chef puisque la Direction territoriale de la police nationale (DTPN) de Nouméa a diligenté une procédure disciplinaire en interne et qu’une suspension de ses fonctions pourrait être décidée par la direction générale.
[MAJ] Notre article intitulé “Un policier accusé de s’être servi dans les scellés” a été publié vendredi 11 octobre avec une photo de policiers. Celle-ci, bien que prétexte, pouvait porter à confusion sur la culpabilité des personnes photographiées. Or, ces dernières ne sont pas concernées par cette affaire. Nous nous excusons platement pour cette maladresse.
Jean-Alexis Gallien-Lamarche