Le député Nicolas Metzdorf, réélu dimanche, part demain pour Paris. Il va participer à l’installation de la nouvelle Assemblée nationale, mais surtout alerter à nouveau le gouvernement sur la situation économique et sociale de la Nouvelle-Calédonie, et œuvrer à la mise en place d’un vaste plan de sauvetage. Nous l’avons rencontré à la veille de son départ.
La voix du Caillou : Les indépendantistes ont réagi aux résultats des législatives, davantage d’ailleurs pour se féliciter de leur score que de la victoire d’Emmanuel Tjibaou. Le Palika y voit même « un tournant politique et historique majeur ». Qu’en pensez-vous ?
Nicolas Metzdorf : Le Palika s’emballe. C’est une élection législative, ça n’était pas un référendum. Si on devait comparer, en Polynésie en 2022 ils avaient élu trois députés indépendantistes, ils n’ont pas eu l’indépendance, et dimanche dernier un seul des trois a été réélu. Je demande au Palika de respecter l’adage « respect et humilité ». On sait, parce que ça nous a été dit, que dans la deuxième circonscription un certain nombre d’électeurs non-indépendantistes ont porté leurs voix sur Emmanuel Tjibaou, parce que cet électorat a considéré que c’était une bonne chose d’avoir des députés de chaque camp pour faciliter le dialogue, après cette période d’incertitude. On sait aussi que la Calédonie a connu beaucoup de départs ces dernières années, il y a donc un réservoir électoral qui est moins étoffé pour le camp non-indépendantiste. Bien sûr, il y a des choses que nous devons mieux faire, on ne peut pas dire qu’il ne s’est rien passé, on doit aussi tirer leçons et conséquences de ce résultat. Mais de là à dire que c’est un tournant historique et que l’on va droit vers l’indépendance, je trouve ça un peu osé.
LVDC : C’est ce que vous expliquez à vos électeurs qui s’inquiètent quand même de ce résultat ?
N.M. : Je reste dans ma ligne que j’ai installé dans cette élection législative, à savoir qu’il faut faire preuve de bon sens et de lucidité. En Calédonie, nous vivons maintenant des émotions fortes tous les jours. D’un coup on est plein d’espoir, et on est désespéré le lendemain. Or, je crois qu’il faut rester très lucide sur tout. Moi, je garde cette lucidité. Est-ce que ces législatives sont un bon résultat pour les non-indépendantistes ? Non. Est-ce que c’est un tournant historique pour les indépendantistes ? Non plus. C’est une élection législative que l’on n’a pas gagnée partout. Après, le Palika devrait aussi dénoncer le manque de démocratie que l’on a vu, dans la mesure où on n’a pas pu faire campagne partout. Mon mauvais score aux Îles, au-delà des irrégularités qui ont pu être observées, est la conséquence du fait que je n’ai pas pu faire campagne sur place quand même ! Et Alcide Ponga n’a pas pu faire campagne au nord de Bourail. J’avoue avoir attendu un peu mieux de la part du Palika, qui avait l’habitude de publier des communiqués réfléchis et pondérés.
LVDC : On constate aussi, sans doute pour le déplorer, que le score des indépendantistes, la victoire d’Emmanuel Tjibaou, n’ont pas mis un terme aux violences et aux exactions ?
N.M. : Mais qui pouvait le penser ? Moi, ça ne m’étonne pas. Honnêtement, et c’est ce que nous n’avons cessé de dénoncer durant notre campagne, ceux qui pensent qu’en offrant plus aux indépendantistes les choses vont se calmer, ça n’est pas vrai. Alors oui, Emmanuel Tjibaou tient un discours très progressiste, modéré, apaisé, constructif, et j’en suis le premier ravi. La question qui se pose est bien de savoir jusqu’à quand il va tenir. On a connu des personnalités indépendantistes modérées, et je pense à Pascal Sawa ou Pierre-Chanel Tutugoro, mais ils se sont fait rattraper par la base militante. Est-ce que monsieur Tjibaou aura les mains libres pour concrétiser ce dont il parle aujourd’hui ? Je ne peux pas me permettre de répondre par l’affirmative. On a eu trop de déceptions du côté des indépendantistes pour dire que l’on a enfin quelqu’un qui va nous conduire vers la porte de sortie.
Ce contenu est réservé aux abonnés.
Connectez vous pour y accéder !
Propos recueillis par Nicolas Vignoles