L’UC veut déclarer l’indépendance de Kanaky le 24 septembre prochain

Daniel Goa, président de l’Union calédonienne (UC), parti politique indépendantiste, a prononcé, hier à Canala, un long discours d’une violence inouïe contre la France.

On attendait beaucoup du comité directeur de l’Union calédonienne (UC), qui s’est tenu samedi à la tribu de Mia, à Canala. A lire la retranscription du discours de son président, Daniel Goa, les Calédoniens, et ils sont nombreux, qui espèrent un retour rapide à une situation normale et apaisée ont de quoi être inquiets. Il faut maintenant une bonne paire de jumelles (voire un télescope ?) pour apercevoir le bout du tunnel.

Voici de larges extraits du discours d’un Daniel Goa offensif, voire agressif, comme jamais.

“Vieux démons”

« Ces courageux et valeureux militants Kanak sont tombés pour la défense de notre dignité, de notre liberté, et laver l’affront fait à tous nos vieux depuis 171 ans, face à cette nation coloniale qui, même en 2024, peine à se débarrasser de ses vieux démons du colonialisme. Puissent les âmes de ces sept personnes décédées reposer en paix sous la protection du Tout-Puissant et être glorifiées pour le sacrifice de leur vie », entame le président de l’UC. 

« Devant la mort, nous sommes tous égaux. Il n’y a pas de différence de camp, d’ethnies, d’obédience politique car toutes ces personnes ont sacrifié leur vie dans cet inutile et injuste conflit colonial dans lequel la France et son Président Macron, ses ministres Darmanin et Lecornu, portent seuls la responsabilité. »

“Nous avions prévenu”

« Aujourd’hui, notre jeunesse s’est révoltée pour que Kanaky émerge, vive et que notre souveraineté se concrétise. Elle l’a fait en mémoire de nos anciens qui ont payé un lourd tribut au colonialisme et à ces usages que nous dénonçons. Ce qui est advenu n’est pas le fait du hasard. Nous savions tous, nous avions prévenu, la CCAT avait communiqué, attiré l’attention de tous qu’il ne fallait pas toucher à un accord politique fondamental pour le peuple Kanak et pour notre reconnaissance. »

Le chaos depuis bientôt un mois, « nous savions tous que cela allait arriver tôt ou tard », dit Daniel Goa.« Car en plus du conflit politique, un conflit social s’est greffé, difficile à contrôler, car d’autres frustrations se sont exprimées. Selon les sources du Haut-commissariat, 10 000 jeunes étaient dans la rue. Ils sont venus casser, piller, brûler, exprimer leur haine de cette société que nous pensions avoir créée pour eux. Quel avenir leur avons-nous réservé ? Ce n’est pas notre méthode, c’est contraire à nos us et pourtant le constat est là, bien présent, ils l’ont fait. »

« Pourquoi en sommes-nous arrivés à ce point ? Depuis des générations, en tant que forces politiques locales, nous nous battons d’un côté pour nous libérer du joug colonial et de cette colonisation, ce qui est légitime, et de l’autre ils se battent pour le maintien de cette présence française qui protège les vestiges et les privilèges d’une économie de comptoir qui s’est développée au détriment de la population Kanak et aussi des autres communautés qui se sont appauvries. Aujourd’hui, cette révolte se déroule dans la douleur sociale car, en plus du combat politique sous-jacent, il y a un conflit social et sociétal larvé. »

“L’Etat colonial n’est pas à la hauteur”

« Ces jeunes de 16 à 20 ans montrent une résistance inattendue et surprenante face aux forces spéciales françaises et à leur déploiement de muscles, de moyens militaires et de violences. Nos jeunes ne sont pas si mauvais que cela finalement. À moins que ce soient les forces en face qui ne soient pas à la hauteur. L’État colonial n’a pas été à la hauteur, c’est une certitude. Nous avons tous vu et constaté son impréparation en termes de moyens, d’effectifs et de tactique de terrain, sa défaillance du renseignement, des manquements dans la chaîne de commandement et de logistique. Face à la panique de ceux qui détiennent les compétences régaliennes, nous avons eu l’impression d’avoir en face une bande d’amateurs en déroute », dégaine le président de l’UC.

« Prise de cours, des ripostes juridiques et arbitraires disproportionnées ont été prises, comme le couvre-feu, l’état d’urgence et toutes les mesures coercitives préventives, comme les assignations à résidence, les perquisitions sauvages pour pallier leurs incohérences et leurs incompétences. Ces méthodes que l’État emprunte à son histoire d’occupation sont dignes de la Gestapo », ose Daniel Goa.

« Nos jeunes disparaissent depuis le 12 mai au soir, sont parfois déportés sans procès, reviennent avec des sévices corporels, des brûlures, des marques de détentions, de maltraitances et de tortures. Ils sont traités arbitrairement et finissent devant des tribunaux expéditifs, toujours prompts à sévir lorsqu’il s’agit de jeunes Kanak », dénonce l’indépendantiste.

« On leur tire dessus, mais bizarrement, ce sont toujours des ripostes des forces de l’ordre qui prétendent avoir été attaquées en premier, alors même que ces jeunes, sans moyens pour acheter des armes, n’opposent à des armes de guerre que des barres de fer, des bâtons et des cailloux. Ils ne possèdent que leur énergie du désespoir pour lutter pour la libération de Kanaky et motivés par le désir de restaurer la dignité de leurs ancêtres. »

“Pas difficile d’identifier d’où vient le racisme”

« En face, la manipulation est constante et provoque une psychose. Ils s’imaginent et s’inventent des petits Kanak partout, dans des pick-up, alors qu’ils sont à pied. Les peurs et les fantasmes, teintés de racisme, s’amplifient », observe Daniel Goa. 

« Le procureur de la République, obnubilé par les petits Kanak, ne voit qu’eux et les pourchasse assidûment, même dans leur lit d’hôpital. Mais il est étrangement aveugle, ne voit rien du côté des loyalistes et il est atteint de cécité si ce sont des élus de la Province Sud. C’est cela l’égalité du justiciable colonisé ? Vous conviendrez que, grâce à ce bilan, il n’est pas difficile d’identifier d’où vient le racisme. »

“Impasse totale”

« Quant à la situation politique du pays, elle est dans une impasse totale. À qui la faute ? Toucher au corps électoral était une erreur manifeste et prévisible, le président Macron l’a commise, il en était parfaitement conscient et a été mal conseillé par ses deux acolytes locaux. C’est un échec, son échec. Tout ce qui se passe est de sa seule responsabilité, celle de son ministre incompétent et partisan Darmanin, celle de la majorité des élus des deux chambres parlementaires de la République française qui ont voté et celle de Lecornu, qui a décidé unilatéralement de casser l’Accord de Nouméa. Tous le savaient, tous avaient été prévenus et tous portent cette responsabilité collective devant l’Histoire et les tâches de sang de ces sept personnes mortes à cause de ces pratiques peu glorieuses héritières, peu glorieuses de cette pensée coloniale française. »

Accusation grave et comparaison douteuse

« On peut se demander qui avait intérêt à ce que tout soit cassé », explique très sérieusement Daniel Goa. Il donne deux pistes.

La première : « Les loyalistes, certainement, car ils sont toujours engagés dans des calculs politiques pour maintenir leur existence politique et se construire une nouvelle majorité en manipulant la représentativité des provinces au congrès et l’opinion des gens ».

Seconde piste : « L’État souhaite reprendre toutes nos compétences et “nous aider”. Il est important de noter que la vision de l’aide de l’État français est similaire à ce qu’il a fait en Afrique pendant soixante ans : les maintenir sous perfusion avec leur propre argent, les appauvrir sans jamais les développer, et pire encore, les enfoncer. »

« Le préalable au dialogue n’est pas le rétablissement de l’ordre, ni le report de la loi constitutionnelle sur le dégel du corps électoral, mais son retrait pur et simple et sans condition. »

Déclaration d’indépendance

« La France nous a tellement trompés que notre souveraineté ne pourra qu’être immédiate, pleine et entière et non négociable. Nous proposons le 24 septembre 2024 pour la déclarer, ce sera aussi le début d’une nouvelle mandature avec de nouvelles élections. Notre souveraineté devra être irréversible, garantie et validée par le C24. Nous pourrons y ajouter une période de transition pour le retrait politique de l’État et le calendrier de la rétrocession des compétences régaliennes. La souveraineté sera alors partagée si la France l’accepte. Elle sera pleine et entière aux termes de cette période de transition le 24 septembre 2029, à la date anniversaire des 176 ans de colonisation et au terme de la mandature. »

« Cette option de transition, seule la France la validera ou ne la validera pas. Mais cela ne changera rien pour nous. Nous avons déjà une cinquantaine de pays prêts à nous reconnaître et à nous soutenir internationalement. Nous intensifierons nos démarches dans les mois à venir auprès du groupe des Brics », qui comprend Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, Égypte, Émirats arabes unis, Éthiopie et Iran, « et des pays non alignés ».

“Nous ne paierons rien”

Daniel Goa poursuit, s’attaque à l’État, qui selon lui « affiche sa volonté de nous recoloniser et achèvera son œuvre avec l’afflux de nouvelles populations. Il est en train de nous africaniser. Il veut que la facture soit la plus lourde possible, car il compte bien nous la faire payer, et il arrivera en sauveur pour nous imposer et dérouler son plan. C’est cela la nouvelle politique coloniale de la France Pacifique. »

« Que ce soit clair, et je le dis sans détour, nous ne paierons rien, car tous ces ravages résultent de ses manquements à l’exercice de ses seules compétences qui sont celles du maintien de l’ordre et des libertés individuelles, de la protection et de la libre circulation des personnes et des biens, cela relève de sa responsabilité. A-t-il toujours les moyens ou non de ses ambitions coloniales ? Il n’a pas été à la hauteur, trop occupé à nous tromper avec son pacte nickel et les manœuvres dilatoires de ces ministres Darmanin et Le Maire, tellement obnubilés à piller notre nickel, qu’il n’ont rien vu venir. »

“La Kanaky n’est pas une terre de France”

« Nous ne recommencerons pas le cirque de la crise du Covid qui est arrivé en Nouvelle-Calédonie parce que l’État avait imposé de maintenir la continuité territoriale et s’était comporté en excès de pouvoir en ouvrant nos frontières et en s’exonérant de nos compétences sanitaires et de sécurité aux frontières. Si par malheur il persistait, nous nous impliquerons davantage sur le terrain. Ce n’est pas une menace, c’est une obligation que nous avons de nous préserver, et nous défendrons nos prérogatives chèrement acquises. Chacun devra assumer ses erreurs. »

Le président de l’UC poursuit sur le même ton. « Si nous devons emprunter le chemin de la libération de notre pays pour cela, nous le ferons par tous les moyens car nous ne voulons plus de cette France invasive qui nous traite toujours comme des sujets, nous exclut et nous méprise. La Kanaky n’est pas une terre de France, ne l’a jamais été et ne le sera jamais. Les Kanak ne sont pas français, ne l’ont jamais été et ne le seront jamais. Ils sont Français par destination parce qu’ils sont une population annexée par la contrainte. »

Daniel Goa ajoute : « Et tous ceux qui nous méprisent et nous critiquent, qui ne sont pas d’accord avec ces orientations politiques et qui ne veulent pas nous reconnaître dans notre pays, sur notre terre, ils doivent partir dans leur pays, nous ne les retenons pas car ils ne veulent pas faire avec nous. Personne ne leur a pas demandé de venir. Notre souci et notre responsabilité c’est le peuple calédonien, car nous allons faire ensemble ce pays, nous l’avons décidé en 1983. Ceux qui sont dans le déni de colonialisme, c’est en France qu’ils s’épanouiront pas en Kanaky Nouvelle-Calédonie. »

Des préalables avant tout accord

Le premier ? « Convoquer de nouvelles élections. Nos bases ne reconnaissent plus leurs élus et il est nécessaire de légitimer une nouvelle classe politique capable de s’engager. C’est une exigence démocratique et je rappelle que le 12 mai, date de départ des émeutes, était la date des élections provinciales. Si l’État ne prend pas cette initiative, toute négociation qu’il pourrait entreprendre ne sera pas validée par nos bases », écrit Daniel Goa.

Deuxième préalable : « instaurer un socle identitaire défini par une citoyenneté dans l’attente de notre souveraineté pleine et entière qui déterminera le périmètre d’une nationalité ».

Troisième demande : « ramener de la justice démocratique en modifiant les circonscriptions législatives, imaginées par Charles Pasqua en 1986. Elles ont été faites pour que jamais un Kanak ne soit élu au parlement français », avance le leader de l’UC.

Un accord global en cinq parties

« Avec ces préalables, un nouvel accord institutionnel pourrait se dessiner et il comprendrait plusieurs volets », est-il indiqué.

Premier point, et non des moindres : « un volet institutionnel et politique qui reprendra tous les acquis de l’accord de Nouméa, sans exception car ils relèvent d’un processus d’émancipation en cours, pas terminé. Il se limitera au seul processus de décolonisation ».

Le deuxième point concerne le nickel. Il est en autres exigé « la reprise de notre souveraineté sur tous nos titres miniers », et l’instauration « d’une royaltie matière obligatoire au titre d’une rémunération pays ». On peut aussi lire que « les niveaux de production seront autorisés en fonction des besoins nécessaires du pays pour son développement utile ». De plus, « aucun minerai ou production minière ne quittera le pays sans une rémunération, assortie d’un prix plancher, au profit exclusif du pays ».

Les trois points suivants, moins détaillés, concernent l’économie, le social et la formation.

Conclusion offensive

Daniel Goa termine ainsi : « Le chemin est long, mais nous atteindrons notre but. Restons déterminés sur la voie de notre souveraineté, c’est la seule façon d’atteindre la sérénité nécessaire pour construire notre futur ensemble. Appliquons fidèlement notre motion du congrès de Boyen, affirmant que notre souveraineté n’est plus négociable. Seule une période de transition peut être discutée. Mettons des mots, des actions et la volonté politique derrière cet accord futur que nous appelons de tous nos vœux. Il nous appartient de définir ce que nous voulons, ce n’est pas à l’État Français de le faire. »

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