Fermé depuis le mardi 14 mai, au début des émeutes, le marché municipal de Nouméa, à Moselle, a rouvert ses portes hier matin. Et le public a largement répondu présent.
Pour la première fois depuis plus de trois semaines, le marché municipal, véritable lieu de vie de la baie de la Moselle, a rouvert ses portes jeudi matin. Si de nombreux stands sont restés vides, alors qu’une cinquantaine d’exposants étaient attendus, les Nouméens ont répondu présent. Ils achètent des denrées, ils boivent un café, ils discutent, ils profitent simplement du soleil omniprésent hier matin. Comme si, le temps d’une matinée, rien ne s’était passé autour d’eux. Lorsque l’on écrit que la vie reprend son cours petit à petit dans les rues nouméennes, le marché municipal en est l’exemple phare. Assis à une table, Mika attend son épouse. « Cela a été annoncé sur les réseaux sociaux, il y avait des bouchons ce matin, les parkings sont pleins… C’est une joie de revenir et de reprendre une vie relativement normale. Je suis en congé et finalement, d’être là, ça me permet de faire comme si c’était un week-end normal », sourit-il. Jocelyne, elle, est venue faire quelques courses histoire de « remplir un peu le frigo » avec « du poisson, des bananes, des salades notamment ».
Malgré le contexte actuel, le bonheur se lit aisément sur leur visage. Chez les habitants, évidemment, qui retrouvent certaines de leurs habitudes, mais aussi chez les commerçants, pour qui ce retour aux affaires est une forme de libération. Economiquement d’abord. « Pendant un mois, on n’a pas eu de rentrée d’argent. On avait peur, on arrivait à la limite un peu, car contrairement à d’autres, niveau hygiène, on ne peut pas vendre sur le bord de la route », souffle Isabelle, qui tient un étal de poisson depuis 2006 à Moselle. « C’est un soulagement pour nous, qui avons de nouveau un endroit pour vendre, mais aussi pour les clients qui sont heureux de nous retrouver. On l’a vu, ils nous attendaient depuis 6 heures du matin alors qu’on n’était même pas encore là. Il y avait du monde, j’ai mis tout de suite mon poisson sur la table », explique cette habitante de Boulari, arrivée vers 6h30 au marché, car elle a respecté le couvre-feu.

« On vendra ce qu’on a »
Sur les étals, pourtant, les choix sont parfois limités. Du perroquet, mais surtout, beaucoup de thon. Et, ici, c’est premier arrivé, premier servi. Les personnes venant dans les jours à venir devront donc composer avec ce qu’il reste alors que les prochaines livraisons sont parfois attendues « la semaine prochaine ». « Les gens prennent ce qu’il y a. Cela fait un mois qu’ils n’ont pas mangé de poisson pour certains, donc ils ne disent rien. On vendra ce qu’on a », poursuit-elle, refusant de mettre en place des restrictions.
« Les gens vont vers les denrées de première nécessité »
Dans le hall des fruits et légumes, le constat est similaire. Pierre-Benoît, originaire de Lifou, loue un stand depuis le mois d’août. Il vend exclusivement « des produits locaux ». Des avocats, des tubercules notamment. Hier matin, devant lui, seuls quelques cocos et quelques citrons étaient visibles. « J’attendais vraiment que ça rouvre. J’ai entendu la réouverture du marché par le bouche à oreilles, donc je n’avais pas encore relancé toutes les commandes. Là, c’est ce qu’il me restait avant les blocages », explique-t-il, espérant retrouver un étal rempli pour « la semaine prochaine, pour le week-end ». « Il y a aura des avocats et de l’igname, c’est pratiquement sûr », promet-il.
Certains stands, en revanche, peinent encore à attirer les clients habituels. C’est le cas de Joëlle, à la tête d’une épicerie fine. « On se rend compte que les gens vont davantage vers les denrées de première nécessité. Mais on est là, ils viennent nous saluer et il y a toujours deux ou trois trucs qui partent », explique-t-elle, un large sourire sur le visage. Comme de nombreuses entreprises, elle n’a pas pourtant pas été épargnée par les émeutes. « Notre dock a été complètement incendié à Dumbéa et on s’est fait carjacker un camion qui était plein de marchandises… Heureusement qu’on avait également une petite boutique sur Sainte-Marie. C’est ce qui nous permet d’être là aujourd’hui », glisse-t-elle. Mais le temps est d’ores et déjà compté alors qu’elle devrait pouvoir assurer des ventes « durant le mois de juin et au début du mois de juillet ». Avant d’être dans l’obligation de passer de nouvelles commandes alors qu’elle vend notamment des produits venant de Lifou, de la Grande Terre, mais aussi du Vanuatu ou encore du Maroc.
Claire Gaveau