“La milice, c’est un mythe” : face à la justice, les émeutiers prétendent s’armer pour se défendre 

Un jeune d’Ouvéa a été incarcéré pour avoir agressé les policiers avec une fronde sur un barrage. Au moment de son interpellation, il était porteur d’un gilet pare-balles de la municipale.

Avec son gilet pare-balles, sa lampe et sa paire de jumelles, on pourrait presque confondre son équipement avec celui des forces de sécurité. Et pourtant, c’est bien l’attirail que portait Mendy B., un émeutier interpellé le 23 mai et traduit, dans la foulée de sa garde à vue, en comparution immédiate devant le tribunal correctionnel de Nouméa.

Ce jour-là, vers 14 heures, une patrouille de la police en voiture banalisée tente “d’ouvrir une brèche”, raconte un gradé de la police, au rond-point de l’Imperial (Nouméa). Le barrage est constitué d’au moins “quatre chicanes” avec des carcasses de voitures. Ces trois policiers sont aussitôt pris à partie par une “quinzaine d’individus” qui “nous caillassent”. La patrouille est alors obligée “de faire un repli stratégique” et d’attendre les renforts. Une opération est montée quelques minutes plus tard et permet de disperser les émeutiers.

Une ”pluie de boulons”

Au moment où ils vont au contact, l’un des policiers est touché à la jambe. Un boulon métallique vient de s’écraser à pleine vitesse sur sa jambière. “Un projectile lancé par une fronde peut atteindre une vitesse de plus de 300 km/h”, note un policier dans la salle d’audience. Caché derrière une carcasse, Mendy B. est aperçu en train d’armer sa “bibiche”, le terme local pour parler de fronde. Un “tir de riposte” de flash-ball est effectué et touche à la cheville l’émeutier qui “trébuche”. Les policiers en profitent, le plaquent au sol et le menottent. Direction la garde à vue puis le palais de justice. “On a subi une pluie de boulons et de pierres”, témoigne ce policier, l’un des responsables des unités de la BST.

Particularité de cette affaire, ce jeune homme de 29 ans, qui a toujours habité Ouvéa avant de venir s’installer à Nouméa il y a un mois pour un intérim d’électricien, était porteur d’un gilet pare-balles siglé de la police municipale au moment de son interpellation. A coup sûr, un ”trophée” qui provient du vol d’un véhicule de la police municipale. ”Ce sont des jeunes de Montravel qui sont passés en voiture et me l’ont donné”, répond-il. Les jumelles ? Récupérées chez Darty. Et les trente boulons qu’il avait dans les poches du gilet ? Ramassés sur les cendres de l’entreprise Le Froid. Et la lampe torche ? Volée dans un magasin de pêche.

”Les fantassins de l’Antiquité”

Mendy B., père d’un bébé de six mois et inconnu de la justice, affirme que s’il est armé d’une ”bibiche”, c’est ”au cas où la milice arrive”. ”On nous ressort toujours la même phrase”, s’agace la présidente.

  • “C’est quoi pour vous la milice ?”
  • “Ce sont des gens avec des armes.”
  •  “Vous en avez déjà vu ?”
  •  “Non… Oui, sur les réseaux sociaux.”
  •  “La milice, c’est un mythe qui court sur internet”, clôt la magistrate.

Le procureur Richard Dutot requiert 18 mois de prison ferme et la perte des droits civiques (pendant cinq ans) à l’encontre d’un « émeutier qui violente les forces de l’ordre avec une arme qui peut tuer. Les projectiles peuvent perforer le corps humain ». Le représentant du ministère public fait un parallèle avec « les fantassins de l’Antiquité qui utilisaient cette arme terrible » et réclame son maintien en détention.

De l’autre côté de la barre, l’avocate Me Alexe-Sandra Vu évoque « un père de famille raisonnable » qui a « prêté main forte aux émeutiers » pour « sécuriser le quartier » après avoir « appris l’existence des milices ». Mendy B. aurait donc été « gagné par la peur » pour « des raisons infondées. Les réseaux sociaux ont été inondés de cette rumeur infondée », poursuit le conseil qui écarte « toute conviction politique » de son client. Aujourd’hui, « il ne lui reste que des regrets ». Des excuses qu’il exprimera publiquement avant que le tribunal décide de son sort.

La sanction tombe plus tard : un an de prison ferme avec mandat de dépôt. Il devra dédommager trois policiers à hauteur de 220 000 francs au titre du préjudice moral.

“Je veux participer à la reconstruction de la Calédonie”

Au fil des dossiers, les prévenus ont tous évoqué l’existence de « milices » pour justifier les violences et leur présence sur les barricades. « J’ai pris le lance-pierres pour me défendre, pas contre les forces de l’ordre », explique encore un autre à la barre. Lui aussi inconnu de la justice, père de cinq enfants, cet homme de 32 ans a été arrêté sur un barrage de Tuband. « Après la nuit que j’ai passé au Camp-Est, je me suis remis en question. Je suis charpentier métallique et je veux participer à la reconstruction de la Calédonie », avance le prévenu qui a demandé un renvoi de son dossier. Il sera jugé le 9 août prochain. En attendant, il a été libéré du Camp-Est et placé sous contrôle judiciaire à Bourail.

Jean-Alexis Gallien-Lamarche 

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