« J’ai pensé que c’était la milice » : un homme condamné à deux ans ferme pour avoir foncé sur un policier 

Transportant une dizaine d’émeutiers dans la benne de son pick-up, un homme de 38 ans a foncé sur un policier pour s’enfuir, le forçant à ouvrir le feu au 6e km. Il a écopé de deux ans de prison ferme et a été incarcéré.

En une fraction de seconde, il a pensé « se faire flinguer » par « la milice ». Il est 8 heures du matin, le 15 mai dernier, deux jours après le déclenchement du tsunami de violences par des émeutiers opposés au dégel du corps pour les provinciales, lorsque Henrick W., père de famille de 38 ans jugé lundi devant le tribunal correctionnel, est « pris en étau » à la station-service Total du 6e km, à Nouméa, par les forces de police. Il venait d’être aperçu au volant d’un pick-up, drapeau FLNKS au vent, en train de zigzaguer sur la route, d’accélérer dangereusement et de prendre un rond-point en contresens, obligeant les automobilistes à s’écarter ou à freiner.

Au moment d’entrer dans une station-service Total, un fourgon sérigraphié de la brigade canine le bloque par l’arrière tandis qu’une voiture banalisée de la police arrive en face. De ce véhicule de location sortent deux policiers en combinaison noir, lesquels courent en direction du chauffeur. L’un d’eux sort au même moment son pistolet 9 millimètres. Son collègue, un peu plus en retrait, est équipé d’un flash-ball. La scène, filmée par les caméras de vidéosurveillance de la station, a été retransmise sur les écrans de la salle d’audience. Le pick-up recule dans un premier temps avant d’avancer brutalement vers le policier qui tend son arme et hurle les sommations « Police, Police ».

« J’ai tiré pour me défendre »

Dans la benne du pick-up, on y voit une dizaine d’émeutiers très agités avec le visage masqué et armés de sabres d’abattis et de barres de fer. Ils tiennent des propos racistes et menaçants à l’égard des autres automobilistes. Ces émeutiers ont été récupérés par le prévenu au niveau de Rivière-Salée. Henrick W. jure qu’il a été forcé à les transporter de peur, en cas de refus, « de se faire casser la voiture de mon patron ».

Face au policier qui le met en joue à la station, le conducteur choisit de forcer le passage. Obligé de se décaler « pour éviter d’être percuté », le fonctionnaire fait usage de son arme. Un seul coup claque. La balle vient se loger dans le radiateur du véhicule. « J’ai tiré pour me défendre, il n’y avait pas d’échappatoire », raconte-t-il. Un de ses collègues témoigne de sa peur de le voir « passer sous la voiture ». Le tir n’empêche pas le chauffard de continuer sa route vers Rivière-Salée. « On ne les a pas poursuivis car c’était trop dangereux », souffle un policier.

Quelques jours plus tard, le conducteur se rend au commissariat. Présenté en comparution immédiate, le trentenaire décrit longuement la nuit qu’il a passée au moment des faits. Il n’avait pas fermé l’œil pour « surveiller et protéger le parc automobile de mon patron » à Ducos. Si c’est lui qui s’en est chargé, c’est parce qu’il est « kanak et que c’est plus simple de passer les barrages », relate la présidente Emilie Gaudin. « Il avait son drapeau » du FLNKS qui « est un laissez-passer sur les barrages. Il a protégé son employeur de jour comme de nuit. Il était épuisé, tendu et inquiet », plaide son avocat Me Pierre-Louis Villaume.

« On a peur de la police, peur de la milice »

Si ce père de famille de Tomo, « marié à un blanche » et qui ne se revendique pas « indépendantiste » ni même de « la CCAT ou de l’USTKE » tient tant à parler de cette fameuse nuit de travail, c’est pour mieux expliquer sont état d’esprit au moment de son refus d’obtempérer. Avec une ligne de défense qui revient sans cesse à la barre au fil des dossiers : la milice. « J’ai pensé que c’était la milice, j’ai eu peur qu’on nous tue. Je n’ai pas vu les badges de la police. On a peur de tout le monde en ce moment, peur de la police, peur de la milice », explique Henrick W. sérieusement.

La présidente lui fait remarquer qu’aucune « procédure n’a été ouverte au tribunal sur ces supposées milices de blancs armés qui viennent sur les barrages indépendantistes tuer des kanaks. Ça n’a jamais été vérifié. » L’homme n’a pas l’air totalement convaincu et répond alors du tac-au-tac : « si c’est faux la milice, qui a tué les jeunes à Ducos ? ».

Son avocat prend le relais et dénonce la présentation du dossier qui voudrait « que mon client transporte des militants de barrage en barrage. Mais c’est faux ! On veut le salir. C’est un kanak qui était coincé et pris au piège par ces jeunes surexcités, shootés aux amphétamines, sans foi ni loi et manipulés par la CCAT qui a foutu le bordel en Nouvelle-Calédonie ».

Les milices, « c’est une invention »

Cinq ans de prison ferme et l’interdiction des droits civiques sont requis à l’encontre d’Henrick W. qui a « foncé sur un policier » alors qu’il était au volant d’un Dodge Ram qui peut être transformé « en char d’assaut ».

Le procureur Richard Dutot rappelle à la juridiction que le 15 mai, Nouméa a fait face à « une insurrection. Des bâtiments, entreprises, écoles, pharmacies, docks, églises ou des magasins ont été pillés et incendiés. Ce jour-là, des émeutiers ont même tenté de prendre d’assaut le commissariat central. Les quartiers Nord ont été abandonnés. Les policiers sont intervenus au péril de leur vie. » Le magistrat conclut : « les milices qui tuent des émeutiers, c’est une invention, une création de toutes pièces ».

Avant que le tribunal se retire délibérer, le chauffard a présenté ses « excuses » « envers le policier qui a pensé que je voulais lui ôter la vie. Ce n’était pas le cas. »

Une peine de deux ans de prison ferme a été décernée par la juridiction, qui a maintenu en détention le père de famille. Il avait précédemment décrit sa première nuit en détention provisoire : « on est cinq dans une cellule pour deux, c’est difficile ».

Jean-Alexis Gallien-Lamarche 

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