« On a peur du futur de la Calédonie » : un étudiant interpelle Emmanuel Macron à Nouméa

Le chef de l’Etat s’est entretenu avec de jeunes Calédoniens qui ont partagé leur « tristesse » de voir le pays sombrer dans la violence, s’interrogeant sur « l’après » et la refondation du destin commun. Une question « vertigineuse », a admis Emmanuel Macron.

Il y a seulement quelques jours, c’était encore « inenvisageable » pour eux. Les jeunes, qui ont bien des leçons à donner à leurs aînés sur le vivre-ensemble, pourront-ils s’en remettre après ce que le pays vient de traverser depuis plus de dix jours ? Comment vont-ils se retrouver et avec quel état d’esprit sur les bancs de l’école et de l’université, dans les vestiaires des clubs de sport et aux soirées du week-end ? La question, tout le monde se la pose.

Entre deux réunions avec les forces politiques et économiques au cours d’un voyage officiel au pas de charge, le président de la République Emmanuel Macron a rencontré de jeunes Calédoniens venus à la résidence du Haut-commissariat, jeudi après-midi, pour lui exprimer les sentiments et les angoisses qui les assaillent depuis que les villes de Nouméa et du Grand-Nouméa ont été prises d’assaut par des émeutiers ultra-violents opposés au dégel du corps électoral pour les élections provinciales. « Il y a deux jours, je suis parti au magasin, on nous a tiré dessus, on était à plat ventre dans les files d’attente », a témoigné un jeune kanak du RSMA.

Les élus “se trouvent des excuses”

Une heure d’entretien au cours duquel le chef d’Etat a régulièrement pris des notes et distribué la parole, poussant ses interlocuteurs à dire ce qu’ils avaient sur le cœur. « Les élus n’ont pas réussi à dialoguer entre eux et même avec des morts, j’ai l’impression qu’ils n’arrivent pas à se parler ou qu’ils trouvent des excuses », a regretté l’un d’eux, critiquant les sorties médiatiques de certains responsables loyalistes qui dénonçaient le racisme anti-blanc. « Moi aussi, j’ai déjà entendu des insultes racistes sur les kanak mais c’est une minorité ».

Ce à quoi le président a regretté « une forme de vide » de la classe politique avant de se dire « raisonnablement optimiste » pour bâtir « un nouveau pacte » et éloigner « les violences qui sont revenues. Je pense qu’il y a un chemin ».

Pour certains, cette situation insurrectionnelle tombe au plus mal, au moment des révisions des oraux et pas facile de se concentrer « avec le bruit des tirs et des bombes ».

Une bande d’amis qui se déchirent

Tous ont exprimé la crainte du lendemain, « on a l’appréhension de l’après », confie Clotilde avant que son camarade qui habite au 6e km décrive « le déchirement » à l’œuvre « dans sa bande d’amis avec toutes les ethnies. On a tous grandi ensemble, ce qui s’est passé est irréel, c’était inenvisageable il y a quelques jours ». Le jeune homme se pose « des questions concrètes » sur l’avenir du pays et sur la manière dont la population va se relever de ces jours d’émeutes.

Une jeune engagée au RSMA, originaire de la Côte Est, pointe du doigt « des jeunes qui pensent pas à demain. Je suis kanak et je suis découragée par la jeunesse, on n’a pas la même mentalité. Dans le Nord, on est resté pacifique, on a respecté les mots d’ordre ». D’autres n’hésitent pas à critiquer ceux qui « ont des revendications légitimes qu’ils défendent en pillant. On se demande comment construire l’avenir et trouver un accord avec des gens dans la rue qui ont tout cassé ».

Attaché « au vivre-ensemble », « on sent une division maintenant », résume un autre à qui Emmanuel Macron a exhorté de « jouer un rôle » pour montrer « que ce n’est pas un face-à-face ». Après un tel traumatisme, « on a peur de l’avenir de la Calédonie », interpelle un jeune. Une question « vertigineuse », a admis le chef de l’exécutif, qui a posé les étapes prioritaires : « l’impunité » pour les casseurs et les commanditaires, « la main tendue » et la reprise « du dialogue » pour que « la vie puisse être possible ensemble. C’est tout le défi ».

“Le critère de citoyenneté ne peut pas s’ethniciser”

Interrogé par une jeune femme qui vient de prendre son poste de policier adjoint sur les 100 000 armes en circulation – déclarées et illégales – et les armureries qui ont été pillées par des émeutiers, Emmanuel Macron a rassuré en annonçant que les celles-ci avaient été vidées et que le stock avait été mis en sécurité, appelant ensuite à opérer « un changement culturel sur les armes à feu ». « Des équipements très sophistiqués sont dans les mains des jeunes », a-t-il prévenu, faisant redoubler de vigilance les forces de l’ordre qui interviennent dans les quartiers encore tenus par les délinquants.

Le président a, plus tard, reconnu que le troisième référendum, contesté par les forces indépendantistes, avait créé « beaucoup de frustration » avant de ne rien céder sur le dégel du corps électoral. « On est dans un drôle de pays », a-t-il ironisé en expliquant qu’en « France métropolitaine, on a permis le vote des étrangers aux municipales et ici, on interdit de voter à des personnes qui résident depuis plus de dix ans ». Et de continuer : « la réalité des bateaux qui arrivent avec des gens venus peupler la Calédonie ? Ce n’est pas vrai ».

Un discours aussitôt commenté par un jeune du RSMA qui demande au président « de ne pas ignorer la colonisation. Les kanak demandent à être à égalité avec les autres, pas au-dessus ». Emmanuel Macron lui a répondu, affirmant que « l’acquis des accords est la reconnaissance du peuple kanak comme peuple premier » et que « ce socle n’est pas remis en cause. On ne veut pas effacer et nier la légitimité du peuple kanak ». Pour autant, a-t-il recadré, « le critère de citoyenneté ne peut pas s’ethniciser ». Un défi se dresse désormais, « un récit commun et un vivre ensemble » à construire.

Jean-Alexis Gallien-Lamarche

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