Le propriétaire de l’hôtel du Méridien à Nouméa, qui avait été réquisitionné par le gouvernement pendant la période de crise sanitaire du Covid-19, demande à l’éxecutif une indemnité de 850 millions de francs en réparation des travaux de rénovation et de la perte d’exploitation. La justice administrative a examiné la requête.
Qu’elle semble loin la période de la Covid-19. Enfin, pas pour tout le monde. Trois ans après cette crise sanitaire mondiale, la Société des hôtels de Nouméa (SHN), détenue à hauteur de 86 % du capital par PromoSud, le bras financier de la province Sud, vient demander des comptes au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie devant le tribunal administratif.
Les dirigeants de l’hôtel du Méridien de Nouméa avaient prévenu qu’ils n’hésiteraient pas à attaquer en justice s’ils n’étaient pas entendus. Ils ont fini par le faire. L’établissement hôtelier, qui comprend 172 chambres, 33 suites et de nombreux espaces communs (faré, piscine…) et qui avait été réquisitionné par les pouvoirs publics de mars 2020 à décembre 2021 ainsi que le personnel nécessaire à son bon fonctionnement, réclame une indemnité totale de 847 260 463 francs en réparation des travaux de remise en état nécessités par les dégradations intervenus pendant la réquisition (à hauteur de 655 717 167 francs) et de la perte d’exploitation subie pendant la réalisation de ces travaux entre décembre 2021 et mai 2022 (pour un total de 191 543 296 francs).
Plus de 500 millions déjà versés
Devant le tribunal administratif, qui s’est penché sur ce dossier jeudi matin, la rapporteure publique Nathalie Peuvrel s’est prononcée en faveur d’une condamnation de la Nouvelle-Calédonie. « Si le gouvernement et son président ont accordé à la SHN une subvention et une indemnité de respectivement 400 781 425 francs et de 103 354 566 francs […], la société n’a pas obtenu entière satisfaction », a détaillé la magistrate, rappelant que « pour les réquisitions de services, la Nouvelle-Calédonie est responsable des détériorations et pertes si le prestataire établit qu’elles sont la conséquence » d’une « aggravation anormale » qui serait directement « liée à la réquisition ».
Si la SHN « est fondée à demander l’engagement de la responsabilité » des pouvoirs publics, elle « soutient que la somme de 400 781 425 francs est insuffisante, dès lors qu’elle inclut un coefficient de vétusté de 20 % ».
La magistrate Nathalie Peuvral a considéré dans ses conclusions que « les pièces produites par la Société des hôtels de Nouméa démontrent la réalité des multiples dégradations subies par l’établissement, aussi bien dans les chambres que dans les parties communes, pendant la période de réquisition ». Elle a également estimé que « ces dommages peuvent donner lieu à réparation dans la mesure où ils sont établis », au contraire des « détériorations affectant la structure des bâtiments (étanchéité des toitures, etc.) car il ne peut être tenu pour acquis qu’ils résulteraient de la réquisition et non de l’écoulement du temps ou des conditions climatiques ». Conséquence : « en l’absence de lien de causalité direct avec la réquisition », les demandes formulées par les dirigeants du Méridien sur la seconde partie (détériorations de la structure des bâtiments) ne doivent pas être suivies.
Des calculs qui « manquent de précision »
Parmi les points abordés, la rap-porteure publique a également révélé que « le coefficient de vétusté avait été appliqué uniformément à tous les hôtels réquisitionnés » alors même que Le Méridien, construit en 1995, avait fait l’objet « d’une rénovation de grande ampleur » pour un montant de plus de 2 milliards de francs en 2015. Le « coefficient de vétusté » est donc à écarter. « Vous retiendrez les préjudices correspondant à un montant total de 500 976 781 francs pour les espaces communs, les chambres et suites, les frais d’architecte et le remplacement du linge. » A cela faut-il encore ajouter plus de 18 millions de francs pour le remplacement des matelas et 7 millions pour les « frais de constat d’huissier et d’expertise ». Enfin, les « calculs proposés par la SHN » pour les pertes d’exploitation « manquent de précision », a fait valoir Nathalie Peuvrel.
Avant que l’affaire ne soit mise en délibéré, l’avocat de la SHN, Me Olivier Matuchansky, a exposé de brèves observations, affirmant vouloir « se battre » sur deux préjudices, à savoir « la remise en état du spa pour 4 millions de francs et du faré pour 40 millions. Les installations se sont détériorées par un non-usage et ont contraint la SHN à des frais importants. »
La rapporteure publique a conclu à ce que le gouvernement calédonien soit condamné à verser au Méridien de Nouméa une somme totale de 630 207 847 francs. Il faut évidemment déduire « la somme de 504 135 991 francs déjà versée ».
Le tribunal administratif rendra son jugement d’ici une quinzaine de jours.
Jean-Alexis Gallien-Lamarche