Manifestation indépendantiste qui dégénère : deux personnes maintenues en détention en attendant leur procès

En comparution immédiate, trois personnes soupçonnées de violences sur les gendarmes au cours de la manifestation de mercredi dernier à Nouméa ont demandé un report de leur procès. Au pied du palais de justice, des militants indépendantistes ont demandé « la libération » de ces « prisonniers politiques ».

Dans le langage judiciaire, ils sont appelés « prévenus ». Au pied du palais de justice de Nouméa, où les indépendantistes de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT) se sont mobilisés pour les soutenir, on a préféré parler de « combattants de la liberté » et de « prisonniers politiques ». Présentées devant le tribunal correctionnel dans le cadre d’une comparution immédiate mardi matin, trois personnes, âgées de 25, 26 et 46 ans et soupçonnées d’avoir pris part aux violents heurts qui ont émaillé la manifestation de mercredi dernier en centre-ville de Nouméa avec les gendarmes mobiles, ont demandé un délai pour préparer leur défense. Cette procédure rapide – elle permet au procureur de faire juger une personne tout de suite après sa garde à vue – le permet et la juridiction n’a donc pas pu s’opposer à la requête de la défense.

« Je ne suis pas anti-forces de l’ordre »

Le 21 février dernier, le rassemblement s’était d’abord déroulé dans le calme avant de dégénérer près de la mairie de Nouméa lorsque les manifestants avaient été stoppés par un peloton de gendarmes mobiles entre les rues Anatole France et Mangin et ce alors qu’ils voulaient se rendre au siège du gouvernement où le ministre Gérald Darmanin s’entretenait avec les membres de l’exécutif. Plusieurs dizaines de participants avaient voulu en découdre avec les forces de l’ordre, jetant de multiples projectiles – pavés, bouteilles… – et occasionnant cinq blessés dont un grave (atteint à la tête par une barre de fer) dans les rangs des gendarmes. Quatre personnes avaient été arrêtées au cours de la confrontation. Si l’une d’entre elles sera jugée en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) en septembre pour le jet d’une bouteille d’eau sur le pare-brise d’un véhicule de la gendarmerie, le parquet a opté pour une comparution immédiate pour les trois autres suspects. Deux d’entre eux avaient été placés en détention provisoire et un autre sous contrôle judiciaire vendredi en attendant l’audience de mardi. Sorti caporal de l’armée avant d’être renvoyé pour des soupçons de radicalisation islamiste, sans emploi mais en recherche active d’une activité professionnelle, un prévenu de 26 ans a affirmé ne pas être « un anti-forces de l’ordre » mais avoir voulu « mettre la pression » le jour des faits, assurant ensuite « un coup égal un coup». Interrompu par l’avocate des parties civiles Me Nathalie Lepape – « Madame la présidente, on ne plaide pas le fond aujourd’hui! » -, il n’est pas allé plus loin dans ses déclarations. Condamné à trois reprises, notamment pour avoir incendié la bâche bleu-blanc-rouge de la province Sud en 2020, il est bien connu des services de renseignements pour son activisme pro-indépendantiste sur le terrain comme sur les réseaux sociaux. Ancien fiché S (pour sûreté de l’État) et récemment visé par une enquête pour apologie du terrorisme en lien avec le conflit israélo-palestinien, le jeune homme d’Ouvéa doit être jugé en juin prochain pour des messages insultants publiés sur les réseaux sociaux et visant la présidente de la province Sud Sonia Backès et Christopher Gygès.

« Il est inséré, il assume ses responsabilités, il reconnaît ses fautes. Il veut que les choses s’apaisent et qu’il n’y ait pas d’exhortation à la violence », a défendu son avocate Me Claire Levieil tandis que le procureur Nicolas Kerfridin venait de réclamer son maintien au Camp-Est « car il serait capable de reproduire les mêmes faits contre les gendarmes rapidement. Vu les peines encourues [deux des trois prévenus sont en récidive, NDLR], il faut le maintenir en détention provisoire ».

Un calot de gendarme et une grenade lacrymogène

L’avocate de la défense évoque « le contexte particulier » de cette manifestation au cours de laquelle « une violence de masse s’est créée ». Quant au deuxième jeune qui a été incarcéré en attendant le procès, dont le casier comporte sept mentions dont six pour des vols, « il ne reconnaît pas » avoir dérobé le calot d’un gendarme et une grenade lacrymogène. « Il les a ramassés par terre. Il assume seulement avoir tapé sur les vitres du camion des gendarmes », a poursuivi Me Levieil. Après en avoir délibéré, la juridiction a maintenu les deux jeunes en détention provisoire jusqu’au procès qui a été renvoyé au 26 mars. Le plus âgé des trois, un père de famille de 46 ans qui habite Thio et à qui la justice reproche d’avoir frappé un mobile avec un bâton, a été laissé libre sous contrôle judiciaire par le tribunal, avec l’obligation de pointer une fois par semaine à la brigade de gendarmerie de Thio.

« La suspension des démarches judiciaires »

Une fois sorti du palais de justice, ce dernier a pris la parole devant quelques dizaines de militants indépendantistes réunis par la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), jurant que « la lutte continue ». « On a des petits révolutionnaires qui se sont fait embarquer juste parce qu’on défend nos droits légitimes. Il ne faut jamais baisser la tête ».

Christian Tein, l’un des responsables de la CCAT et commissaire général de l’Union calédonienne (UC), a martelé que « le corps électoral est la mère de toutes les batailles. Ils ont suivi le combat de nos vieux». Le responsable politique a demandé à l’assistance « d’assumer les choix qu’on fait, de défendre nos droits. Le Camp-Est et ici [le palais de justice, NDLR], si on doit y aller, ce n’est pas un souci, ça fait partie du combat dans lequel on est ». Dans un communiqué, la cellule a demandé la « suspension de toutes les démarches judiciaires et policières en cours liées aux actions de la CCAT durant la période tangible dans l’évolution des discussions sur l’avenir du pays ».

Les militants indépendantistes se retrouveront le 26 mars devant le palais de justice en soutien aux prévenus. Hasard du calendrier, c’est la date retenue par le Sénat qui examinera le projet de loi constitutionnelle pour modifier le corps électoral des élections provinciales et l’ouvrir aux personnes ayant au moins dix ans de résidence en Nouvelle-Calédonie.

Jean-Alexis Gallien-Lamarche

Fil d'actualité

80 ans

Hier, nous commémorions le 80e anniversaire de la capitulation...

« Être là où il le faut, quand il le faut »

Il y a bientôt un an, le 13 mai...

L’indépendance-association ou le chaos

Avant son départ hier pour Paris, Manuel Valls a...

« Manuel Valls a tué la négociation »

Ce jeudi 8 mai, Loyalistes et Rassemblement ont souhaité...

L’incendiaire présumé du local de BMX de Tina écroué

L’enquête de la police nationale a abouti à l’interpellation...

Newsletter

Inscrivez vous pour recevoir chaque semaine notre newsletter dans votre boîte de réception.

80 ans

Hier, nous commémorions le 80e anniversaire de la capitulation sans condition de l’Allemagne nazie, le 8 mai 1945. De très nombreuses communes ont marqué cet...

« Être là où il le faut, quand il le faut »

Il y a bientôt un an, le 13 mai 2024, la Calédonie basculait dans une hyperviolence sur fond de racisme, au prétexte d'une cause...

L’indépendance-association ou le chaos

Avant son départ hier pour Paris, Manuel Valls a dressé le bilan des séquences de discussions qui n’ont pas débouché sur un accord. Manuel Valls,...