Président de l’Autorité de la concurrence depuis bientôt dix mois, cet ancien footballeur amateur évite jusque-là les apparitions publiques.
Une devinette pour commencer, pas simple : comment appelle-t-on les habitants de Sainte-Maxime? Stéphane Retterer a la réponse. « Les Maximois! » Fils d’un pharmacien et d’une préparatrice en pharmacie, il est bien placé pour le savoir puisqu’il a grandi dans cette petite ville en bord de Méditerranée, calée dans le golfe de Saint-Tropez, calme l’hiver, débordant de touristes l’été. De cette enfance dans le Var, suivie d’études notamment à Aix-en-Provence et à Toulon, et d’un début de carrière à Toulon (treize ans en tant que maître de conférences des universités) puis à Marseille (six ans comme magistrat administratif), il en conserve un accent chantant rappelant les cigales.
Se parler le matin
Arrivé sur le Caillou l’an passé, en provenance de Tahiti (sept ans en tant que magistrat administratif), pour devenir président de l’Autorité de la concurrence en remplacement d’Aurélie Zoude-Le-Berre (partie à l’Assemblée nationale), ce père de deux filles – l’une « est en Europe », l’autre scolarisée ici – se fait volontairement « discret », moins médiatique que sa précédesseure. Il évite la foule, ne parle pas fort. « Je fais très attention pour l’instant », confie-t-il. « Je veux commencer avec beaucoup d’humilité, tranquillement, tout étant ferme, mais bien redresser l’Autorité déjà, qu’elle travaille, qu’elle se mette sur un rythme bien fort, et puis derrière donner un peu plus de confiance par rapport au passé. Par exemple, tous les deux ou trois mois on organise un petit-déjeuner : on l’a fait à la CPME, on l’a fait au Medef, le 5 mars on va le faire au barreau. L’idée, c’est qu’il y ait des échanges, des questions. C’est ouvert. »
Supporter de l’OM
Stéphane Retterer a 56 ans et paraît plus jeune. Pas un kilo en trop. Il court, moins longtemps qu’avant précise-t-il (une demi-heure, par exemple, à Pierre-Vernier), est « plongeur sous-marin » quand il a le temps (peu en ce moment) et il est surtout un ancien footballeur. Une affaire de famille. Son père, Michel, a porté le maillot de l’Olympique de Marseille. « Il a été dans la réserve pro dans les années 60, il était milieu de terrain : il n’a pas fait beaucoup de matchs parce qu’il s’est blessé de suite, mais bon il a cette nostalgie de l’OM et j’ai gardé cette nostalgie avec lui », sourit Stéphane Retterer. Comme beaucoup, il se souvient de l’imprévisible anglais Chris Waddle. « C’était la classe, pour son jeu de dribble, du gauche, qui était assez impressionnant. »
Le président de l’Autorité, lui, est retraité des terrains depuis 2018, lâché par son corps : inflammation d’un tendon. Dans son parcours, « un accident de moto », le touchant au genou, a ralenti sa puissance au démarrage. Ses derniers buts, il les a marqués « en corpo », c’est-à-dire interentreprises. C’était « en Polynésie ». Il a auparavant fait trembler les filets partout où il est passé, à commencer par Sainte-Maxime, « en Division d’Honneur » : c’était « pas mal à l’époque », l’équivalent de la 4e division. Il était « ailier droit » ou « attaquant ».
« Je vais m’agacer »
Aujourd’hui, les crampons ont été remplacés par des chaussures cirées, alignées dans un placard de son bureau, à Nouméa. La volonté d’aller vers l’avant, elle, reste présente, même s’il faut parfois jouer des coudes pour se faufiler entre les défenseurs. Exemple sur les protections de marché accordées par le gouvernement de la Calédonie à certaines entreprises. Il en existe trois types : création, modification, renouvellement. Sur les deux premiers, l’Autorité de la concurrence est sollicitée pour avis consultatif, pas pour le troisième. Et ça, ça ne plaît pas à Stéphane Retterer. Il a demandé, l’an passé, une modification du Code de commerce. « Et je ne vous cache pas que, comme je ne vois rien venir, je pense que je vais m’agacer et que je vais m’autosaisir. » L’ancien buteur prépare la contre-attaque.
Anthony Fillet