Après des semaines d’enquête, les policiers nationaux ont mis la main sur un trafiquant qui cultivait dans son garage plusieurs dizaines de pieds de cannabis depuis des années. Sa particularité ? L’argent sale était réinjecté dans les monnaies virtuelles et dans l’achat d’or.
Le cannabis, ça peut rapporter gros mais encore faut-il savoir quoi faire de toutes ces petites coupures. Car personne ne paye son pochon d’herbe par carte de crédit. Et à chacun sa technique pour recycler tous ces billets pas très propres : cachés sous le matelas, enterrés dans le jardin, pour flamber au casino…. D’après nos informations, les enquêteurs de l’Unité de lutte contre les stupéfiants viennent d’être confrontés à un cas unique sur le territoire d’un trafiquant qui blanchissait l’argent sale dans les cryptomonnaies et l’or.
Cette affaire inédite, révélée par La voix du Caillou, commence comme souvent par un « tuyau » qui arrive aux oreilles des policiers bien informés. Un renseignement rapidement pris au sérieux qui va les conduire dans une histoire qui dépasse, de loin, le simple petit trafic entre amis pour arrondir les fins de mois. En octobre dernier, les soupçons se tournent vers une maison de la Vallée-des-Colons (Nouméa). Si elle ressemble à bien d’autres habitations du quartier, elle abriterait, en revanche, un haut-lieu du trafic de cannabis. Les clients connaissent bien l’adresse. Les policiers, eux aussi. Au fil de leurs investigations et des surveillances, ils vont découvrir l’étrange manège d’un des occupants de la maison. Son profil détonne dans le milieu : à 39 ans, il est sans profession et inconnu des services. Il n’a jamais fait parler de lui. Pourtant, c’est lui qui est suspecté d’être à la tête d’une entreprise bien rentable de marijuana. Et si son produit est de qualité et en quantité tout au long de l’année, c’est parce qu’il gère lui-même toutes les étapes de la culture. Plutôt que d’acheter en gros le cannabis sur la Côte-Est, le trentenaire a établi sa propre plantation directement chez lui. Dans son garage, à l’abri des regards. S’il pensait sa culture indécelable, il a été trahi par sa consommation d’électricité bien plus élevée que la moyenne. L’enquête se poursuit pendant des semaines et, patiemment, les policiers de l’Unité de lutte contre les stupéfiants montent un solide dossier. Le suspect ne peut pas leur échapper, pensent-ils.
Une ferme de minage de cryptomonnaies
Il y a une semaine, l’ordre est donné de passer à la phase d’interpellation. Deux personnes, dont le trentenaire, se voient passer les menottes. Direction le commissariat central de Nouméa pour 48 heures de garde à vue. La perquisition va, en revanche, faire prendre une nouvelle dimension à ce dossier. Car en fouillant la maison de la Vallée-des-Colons, les policiers vont d’abord tomber sur la fameuse chambre de culture « indoor ». Plus de 120 pieds de cannabis maturent avec l’aide de lumières artificielles. La promesse d’un beau pactole. Les enquêteurs poursuivent la visite de l’habitation jusqu’à mettre la main sur plus de deux kilos d’herbe. Il n’y a plus qu’à conditionner les têtes dans des pochons et les vendre. En poussant la porte d’une salle dédiée au séchage des pieds de cannabis, ils vont surtout faire une surprenante découverte : l’installation d’une ferme de minage de cryptomonnaies. Face à eux, d’importantes quantités de matériels informatiques de tout genre (serveurs, ordinateurs, cartes graphiques…) qui fonctionnent en permanence et dont la puissance de calcul permet de créer de nouvelles unités de crypto-monnaies.
En garde à vue, le trafiquant présumé est confronté aux preuves recueillies depuis des semaines par les enquêteurs. Il finit par passer à table et reconnaît qu’il cultive et vend de l’herbe de cannabis depuis 2017. Avec un chiffre d’affaires de près de 3 millions de francs par an, le trentenaire n’avait pas d’autres choix que de blanchir l’argent sale pour le rendre indécelable et le réinvestir.
Plus de 16 millions de francs
L’exploitation de son téléphone va aussi révéler de nombreuses transactions d’or. Une seconde perquisition est aussitôt diligentée permettant de saisir la somme de 120 000 francs en argent liquide, un lingot et une pièce d’or cachés dans un coffre-fort.
En recoupant les nombreux éléments du dossier et les déclarations du suspect, les enquêteurs ont établi que l’argent généré par ce juteux trafic avait dépassé plus de 16,5 millions de francs de chiffres d’affaires.
Traduit devant le tribunal correctionnel de Nouméa, le trentenaire a écopé d’une peine d’un an de prison avec sursis probatoire. L’ensemble des scellés a été confisqué par la justice.
Jean-Alexis Gallien-Lamarche