Élue de la province Sud et du Congrès, Muriel Malfar-Pauga mène depuis de très longues années un combat en faveur de l’amélioration des conditions de logement en Nouvelle-Calédonie.
Qu’est-ce qui vous motive dans votre action en faveur du logement ?
Muriel Malfar-Pauga : J’ai habité un lotissement social. J’ai connu les malfaçons comme tout le monde, j’ai connu le fait d’être locataire avec des promesses de vente qui ne sont jamais venues, j’ai donc été dans ce combat-là. J’ai touché à la problématique du logement social. J’ai été pendant 15 ans en procédure avec un bailleur social, ça vous prend donc votre vie, j’y ai sacrifié ma famille, comme beaucoup lorsque l’on se lance dans ce genre de combat social, on sacrifie beaucoup de choses. Aujourd’hui, c’est parce que j’ai mené ce combat qu’il m’a apporté beaucoup d’expériences. On peut être diplômé, mais pour ce genre de choses, ça ne vous apporte pas d’expérience. J’ai une expérience de 20 ans de terrain : à porter des plaintes, à gagner ces procès contre des mastodontes. J’ai eu face à moi Jacques Lafleur, l’USTKE, l’USOENC, mais moi petite bonne femme, je leur ai tenu tête,
ça m’a donné de la détermination, mais aussi le respect de ces hommes-là, et aujourd’hui ma compétence dans le logement social est reconnue.
Y a-t-il aujourd’hui une crise du logement ?
MMP : Ça n’est pas une crise du logement, comme celle que l’on a pu connaitre dans les années 2000. Marie-Claude Tjibaou, alors membre du CESE national, avait fait un rapport concluant à la nécessité de construire 1000 logements par an. On n’est plus sur 1000 logements par an, on le constate avec la vacance de locataires chez les trois bailleurs sociaux. La problématique aujourd’hui, c’est la rénovation. Il y a le parc vieillissant et celui des malfaçons. Mais pour moi, la rénovation, ça n’est pas juste donner un coup de peinture ! Or c’est ce que l’on a fait jusqu’à aujourd’hui. J’ai visité de la rénovation urbaine à Bordeaux sur un immeuble des années 60 à l’abandon. La destruction coutait plus cher que la rénovation, et je rappelle que pour détruire une tour à Saint-Quentin cela coûte 500 millions, et à Bordeaux, ils ont fait le choix de l’agrandissement des logements. 40m2 par appartement ont été rajoutés, ils ont fait des jardins d’hiver, et c’est ce type de rénovation urbaine qu’il faut apporter en Calédonie. Je pense aux Tours de Magenta, si on agrandit, si on sécurise, si on revoit les infrastructures autour, la population reviendra. Les Tours de Magenta, il y a 10 ou 15 ans, c’était le vivre ensemble, mais aujourd’hui tout le monde s’en va. Il faut donc repenser le logement, mais quand j‘entends parler « d’habitat océanien », je dis que l’habitat n’a pas de couleur, c’est l’habitat de demain auquel il faut penser. Que vous soyez océanien ou non, ce que vous voulez, c’est vivre dans de bonnes conditions.
Que faire contre la prolifération des logements insalubres ?
MMP : Avec mon groupe politique, et j’en ai parlé avec Sonia Backès, je dois déposer un projet de texte pour lutter contre le logement insalubre, parce qu’il n’y en a pas aujourd’hui. En 2012, j’ai travaillé sur la loi dite « 89 » qui n’était applicable en Calédonie et qui l’est aujourd’hui, mais rien n’existe contre l’insalubrité. Je distingue bien le propriétaire qui se moque de l’état de son bien du moment qu’il est loué, et puis vous avez ceux, notamment des personnes âgées qui ont acquis un petit appartement qu’ils louent pour avoir un complément de retraite, mais qui ne peuvent financer les rénovations. Là, il y a un texte à mettre en place pour aider ces propriétaires. Il faut aussi un texte pour lutter contre les marchands de sommeil, car en Nouvelle-Calédonie, il y a des gens qui louent des garages ou des caves à des familles !
L’image du logement social a-t-elle changé ?
MMP : C’est ce que j’ai essayé de faire durant cette mandature. J’ai travaillé à mutualiser l’action des trois bailleurs sociaux, afin qu’ils ne soient pas en compétition, mais qu’ils travaillent ensemble. Par ailleurs, on essaye de faire évoluer le logement social, mais c’est difficile, car il est difficile de changer les comportements, il ne faut pas lâcher, il faut continuer. Il faut sans doute mettre le locataire au cœur des politiques des bailleurs sociaux. Quand on veut qu’une résidence fonctionne et vive bien, il faut mettre le locataire au milieudu programme. Il faut écouter les associations de locataires qu’avant on n’écoutait pas.